Ma 1ère herceptine à la maison
Jeudi 14 mai 2009 était un jour important pour moi. J'avais ma première perfusion d'herceptine chez moi, c'était la première fois que je n'allais pas voir les personnes rassurantes que je côtoie depuis le début de mes traitements, le chauffeur de taxi, l'oncologue et ses secrétaires, les infirmières, la dame bénévole, les autres vétérantes des chimios. J'étais un peu anxieuse, je sais que je n'avais aucune raison mais la nouveauté me perturbait.
Je suis seulement sortie le matin pour accompagner mes filles à l'école, elles déjeunaient à la cantine comme tous les jeudis à cause de mes chimios, pour avoir du temps à moi ce jour-là. Une fois rentrée, je me suis occupée, j'étais un peu survoltée comme toujours lorsque je suis nerveuse.
Je n'avais pas encore fait connaissance avec l'infirmier, le CLB me livrait le matériel avec la poche de produit ce jour-là, il n'avait pas à venir vérifier le contenu avant.
Ce jeudi-là, je me suis souvenue que je n'avais pas fait ma prise de sang avec le test de mes marqueurs. Je la fais toutes les 6 semaines et ça faisait 6 semaines, c'était la première fois que je l'oubliais.
J'avais reçu sans mot explicatif avec l'ordonnance oubliée du scanner TAP, une autre ordonnance pour une prise de sang unique de mon oncologue alors que j'en ai une d'elle me prescrivant cette prise de sang pour 6 mois.
Je l'ai appelée, sa secrétaire s'est renseignée et m'a annoncée que je ne faisais plus de prise de sang pour mon oncologue toutes les 6 semaines, c'était l'oncologue du CLB qui décidait de la fréquence et de la nécessité d'en faire. Elle voulait juste que j'en fasse une à chacune de mes visites, tous les quatre mois.
J'avais confirmation de ce que je supposais, mes veines vont pouvoir souffler un peu.
Lors de mon rdv avec l'oncologue du CLB, il m'avait dit qu'il n'avait pas besoin de prise de sang. Je n'avais pas prêté davantage attention à cette remarque, je pensais qu'il parlait des globules mais je devinais qu'il n'allait pas me réclamer de prises de sang.
A 10H30, je n'avais toujours aucune livraison, ni aucun message du livreur. J'ai appelé le CLB pour être certaine de ne pas être oubliée, ça m'est déjà arrivée pour les rayons et à cause de mon obstination à attendre sans rien dire, je suis rentrée chez moi sans rayons!
L'infirmière m'a confirmée que j'étais prévue mais que je ne serai livrée qu'en fin de matinée.
Je suis retournée à mes occupations, toujours très agitée. Peu après, le livreur m'appelle et me prévient qu'il arrive d'ici 20mn.
Il sonne enfin à mon interphone et je me retrouve dans mon salon avec une perche pour accrocher les perfusions, un carton avec un sac en plastique en guise de poubelle pour les déchets spéciaux et un carton surprise. Il me tend une petite glacière isotherme cadenassée, seul l'infirmier est habilité à l'ouvrir, je dois mettre le tout dans mon frigo. Heureusement que nous avons bien entamé les restes de la fête, en début de semaine, il n'y avait plus du tout d'espace libre sur les étagères de mon frigo et pourtant il est très volumineux.
Il prend le temps de s'assoir, me parle très gentiment, patiemment, j'ai été très agréablement surprise de son amabilité mais je sais que toutes les personnes du CLB ayant un contact avec des patients ont dû avoir une formation particulière, ils sont tous très gentils, très attentionnés.
Il repart et j'ouvre mon carton surprise. Je vérifie surtout qu'il y ait bien l'aiguille, c'était la crainte de l'infirmier qu'elle soit oubliée. Je vois toute la tuyauterie, tout à l'air d'y être. Je passe un coup de fil à l'infirmier comme promis. Il me rappelle de ne pas oublier mon patch Emla, et me confirme qu'il viendra vers 14H15-14H30. Il me dit de manger et me souhaite un bon appétit.
Il est presque midi, je me dis que c'est une bonne idée de manger alors qu'initialement je m'étais dit que je n'avais pas faim.
Je pioche dans les restes de ma fête qui ont rempli mes frigos et congélateurs de Lyon et de la montagne. Je pose mon patch Emla. Je suis prête, dans la dernière attente.
Je me remets à m'activer partout, je range mes vêtements d'hiver, je suspends à la place mes vêtements d'été, j'ai été faire les boutiques, j'en ai ramené plein de nouveaux qui sont lavés, repassés. J'adore changer mes penderies au moment des saisons, ça m'occupe bien l'esprit et voilà qu'on sonne à l'interphone. Je file répondre, c'est l'infirmier, il n'est que 13H45. Je vais enfin faire sa connaissance.
Il arrive, il est grand, à peine plus âgé que moi, un casque à la main.
Il se lave les mains, vérifie tout, me demande où on s'installe pour me piquer, de quel côté est mon pac. Il veut de la bétadine, il n'y en a pas dans le carton mais ça tombe bien, j'ai épousé le fils d'une infirmière et nous avons toujours des flacons de bétadine de toutes les couleurs, il ne jure que par ça.
Il voudrait aussi davantage de liquide physiologique mais là, je n'en ai plus, je n'ai plus de bébé à la maison et j'ai jeté toutes mes dosettes périmées qu'il me restait. Il devra faire avec ce qu'il a.
Il enfile la super blouse livrée, il me met un masque sur mon nez et lui sur le sien, nous sommes beaux tous les deux comme ça, il faudrait faire une photo, un jour où mes filles seront là, je leur demanderai de faire ces photos suréalistes dans mon salon.
Il trouve que mon patch est minuscule, je sais qu'ils ne peuvent pas faire plus petit sinon les infirmiers ne pourraient plus le trouver pour le piquer. Il me pique, est content du reflux comme toutes les infirmières qui l'ont précédé. Il vérifie tout sur l'étiquette de la poche, des fois qu'on m'aurait donné autre chose ou pas la bonne dose et là attention on ne rigole pas au CLB. A l'hôpital Jean Mermoz, mon oncologue arrondit ma dose à 300 d'herceptine, là pas du tout, j'ai droit à 304,50 d'herceptine, on ne me leurre pas sur ma dose. On accroche la poche d'herceptine et c'est parti pour la perfusion.
Je lui propose de lui mettre la télé ou une connexion internet, il refuse et s'installe à la table de salle à manger pour faire des papiers et passer quelques coups de fil. Il me demande ma carte vitale.
Je m'installe, je prends le dernier Marie-Claire, je suis abonnée et je n'en râte pas un, c'est idéal à lire dans ce genre de circonstances, je ne serai pas assez concentrée pour me replonger dans mon bouquin.
Il vient vérifier plusieurs fois le goutte à goutte et accèlère le débit.
Avant même que la dernière goutte tombe, il me demande de venir me rallonger sur l'autre canapé, on se remet les masques, la denière goutte tombe et hop dépiquée. Ma première perfusion d'herceptine à la maison vient de se terminer.
Il me conseille d'avoir un papier avec tous les numéros de téléphone, je le remercie de son conseil mais ça fait trois ans que je me promène avec la feuille de mes numéros
Il note tout ce qui lui manque, il me demande de lui repasser un coup de fil en début de semaine de la prochaine et on se dit au-revoir.
Il est 15H15, il sera resté 1H30 avec moi. C'est passé super vite, je n'ai pas ressenti tout cette lourdeur comme à chacune de mes visites à l'hôpital.
Le seul inconvénient c'est que j'ai eu mon herceptine tard. D'habitude je l'avais le matin, j'étais un peu HS l'après-midi, en fait je n'avais pas envie de dormir mais baisse d'énergie et ça allait mieux au moment d'aller chercher les filles à l'école, là je n'ai qu'une heure devant moi pour aller chercher les filles. Je serai au ralentit, tant pis, on ne va pas traîner sur le chemin du retour.
J'ai laissé un message sur le portable de l'oncologue du CLB pour avoir mon arrêt de travail de deux jours comme à chacune de mes herceptines, j'ai besoin du lendemain pour souffler, me poser un peu.
Le lendemain matin, j'ai un message de lui qui me demande si je désire un arrêt pour 1 mois, 2 mois ou 3 mois...
Voilà qui coupe court ma culpabilité de me faire arrêter pour mon herceptine et qui me rappelle que ce n'est pas si anodin que ça.
Je le rappelle, il m'envoit mon arrêt de deux jours et à ma question sur les prises de sang, il me répond "Mme IsabelleDeLyon, vous allez très bien, je n'ai pas besoin de vos marqueurs..."
C'est justement mon anniversaire et je pense qu'il vient de me faire le plus beau des cadeaux. J'aurais envie de l'embrasser, qu'est-ce que ça fait du bien d'entendre de telles paroles.
Allez on remet ça dans trois semaines.