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La Gniaque

22 janvier 2019

Mon témoignage sur CmyNEWme

Fin octobre 2018, j'ai accepté de témoigner pour CmyNEWme, un forum destiné à ceux qui ont, ont eu ou vivent avec le cancer et qui ont reconstruit leur vie après l'annonce de la maladie, l'idée est que ces témoignages de Cancer Bloomers permettent d'inspirer ceux qui sont dans la maladie et de célébrer chaque victoire et chaque petit moment de bonheur.

Il y a 12 ans, on m'a découvert en catastrophe un cancer du sein agressif déjà métastasé au foie, il était bien envahi et mon sein ressemblait à la voie lactée sauf que c'était les cellules cancéreuses qui illuminaient les clichés d'IRM. J'avais 34 ans, deux petites filles de 1 et 4 ans, j'allaitais la plus jeune. Mon père était décédé 5 ans auparavant d'un cancer au cerveau. Je travaillais, j'étais l'adjointe de ma chef de service très près de la retraite, une belle promotion en perspective.

Ça c'était ma vie d'avant qui a été stoppée net par ce cancer et qui fait partie à jamais du passé sur laquelle il a fallu que je tire un trait définitif. Le cancer chamboule tout, votre vie change et c'est à vous de lui donner une nouvelle trajectoire, et d'arriver à tourner la page sur ce qui ne sera plus que des souvenirs, des regrets...

Ma vie était en jeu, mon angoisse la plus forte était de mourir et que mes filles n'aient aucun souvenir de moi car trop jeunes. Il vous reste quoi comme souvenir de votre mère à 1 ou 4 ans ? personnellement le vide pour moi.
J'ai serré les dents et j'ai emprunté ce terrible parcours où l'on espère stopper le cancer et si possible le faire régresser, histoire de repousser la mort qui rode, si proche de vous. J'étais prête à tout affronter pourvu que je gagne quelques années pour mes filles.
J'ai gardé espoir, j'avais trouvé quelques cas très rares sur internet de métastasés du foie toujours en vie 15 ans après. J'espérais tenir 5 ans.
Tout a disparu, métastases et tumeurs dans le sein. Peu à peu, l'obscurité a laissé place au ciel bleu. Je me suis sentie moins oppressée. J'ai des traitements à vie, toutes les 3 semaines, je suis toujours sous surveillance, on ne laisse rien passer dans mes contrôles, je suis allée 8 fois au bloc, j'ai eu 9 biopsies. Ma vie est désormais indissociable du cancer. J'ai fait une récidive dans le sein conservé en 2015. Mais je suis toujours en vie, pleine de projets.

Je travaille à temps partiel, je suis reconnue travailleuse handicapée pour être mieux protégée dans mes droits sur le plan professionnel car le monde du travail n'aime pas les gens quand leur maladie ne rime pas avec passé, ils donneront toujours la préférence à ceux qui sont en bonne santé ou pour qui la maladie est derrière. Je n'ai plus jamais eu de promotion, je ne suis même plus une adjointe, juste une ingénieure mais j'aime mon travail même si j'ai dû tout reprendre à zéro en changeant de service pour quitter le placard doré où on m'avait mis. On a tenté de m'y remettre en janvier de cette année, mais je suis corriace et je n'ai pas grand chose à perdre, j'ai tenu bon.

Mes filles ont 16 et 13 ans. Elles passent avant toute chose, je profite de leur présence, de partager tout ce qui est possible avec elles, de les couvrir de cadeaux, d'être là à toutes leurs représentations, sorties.... Elles auront des milliers de souvenirs avec moi et ont au moins une certitude, c'est mon amour pour elles et ma fierté sans limite.

Je pleure à chaque évènement important, si heureuse, si bouleversée d'avoir la chance de les vivre.

Comme le cancer fait partie intégrante de ma vie, mon objectif quotidien est de lui donner le moins de place possible pour en laisser un max à la VIE. Je saisis tous les petits plaisirs quotidiens. Je m'arrête partout pour prendre des photos. Je suis cigale à défaut d'être fourmi pour voyager le plus possible et toujours en famille.

Mon aînée va s'envoler l'année prochaine pour ses études supérieures, je suis tellement heureuse de pouvoir assister à ce tournant de sa vie. Je suis allée sur tous les salons avec elle pour l'accompagner dans son orientation.

La vie est courte, il faut saisir toutes les occasions qui s'offrent à nous d'être heureux et d'être conscient que ces moments sont du bonheur à l'état pur qu'il faut savourer.
Ma vie depuis 12 ans n'est pas celle que j'espérais, mais j'ai encore quelques levers de soleil devant moi pour profiter de ceux que j'aime. Et mes filles auront un suivi dès 18 ans pour ne pas connaître un cancer à vie.
Le plus important à retenir est que même si le pronostic médical est très sombre, tant que vous êtes en vie et que vous pouvez vous offrir un petit plaisir, faites-le, ça vaut le coup.

On peut retrouver le site web ici en lien avec cette page facebook

ski

 

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4 décembre 2018

Désabusée - désillusions

Je vous avais laissés sur un article chargé en amertume en début d'année 2018. D'ailleurs je pense que c'est une des raisons pour lesquelles j'écris de moins en moins souvent. Je me sens pleine de révolte face à ma vie forcée avec le cancer et je n'ai pas envie de m'épancher dessus car je vis très mal au quotidien toutes les répercussions. Pour certaines j'en prends pleinement conscience seulement maintenant, je croyais trop au monde des bisounours, les désillusions sont rudes.

En janvier dernier, on m'a bien diagnostiqué un cancer de la peau, un carcinome basocelullaire, conséquence des rayons reçus dans cette zone 11 ans auparavant. Ce cancer n'est pas agressif, il ne fait pas de métastases, il se contente de rester sur la peau. En enlevant toute la zone cancéreuse, sa progression est stoppée. Ma dermato a semble t'il tout enlevé et dans cette zone qui était encore sans cicatrice, maintenant j'ai une espèce de cercle de la taille d'une pièce très moche.

Au boulot, devant mes protestations face à une discrimination liée à mon handicap, on m'a laissée tranquille. J'ai pu reprendre ma vie professionnelle là où elle en était. C'est à dire à peu près nulle part.

Je vous avais prévenus, je suis de plus en plus remontée.

Le combat contre mon cancer, la récidive, l'enchaînement des opérations avait au moins un mérite, ne pas me laisser le temps de trop réfléchir. Là à force de me prendre des coups, je suis aux aguets, je scrute tout et mes constats sont très amers.

Mon travail me plaît, mais à cause de mes absences répétées pour mes traitements et pour mes opérations en 2015 et 2017, presque tous mes collègues ont l'impression que je viens en dilettante, mes supérieurs aussi apparemment et seul compte le constat de mes absences, pas d'empathie, pas de bienveillance, je suis un fardeau, j'occupe un poste sans fournir le travail qui devrait aller avec. Je ne m'étais pas rendue compte de cette perception négative à mon égard, je suis une vraie gentille pleine d'optimisme qui voit toujours le bon côté des choses et ça m'a fait occulter le côté mauvais des gens.
Ca m'est tombé dessus très violemment d'ailleurs.
Je pensais que mes qualités pourraient au moins compenser mais elles ne sont que normales dans le monde du travail, pas mes absences.

Un exemple concret assez perfide même si heureusement tous n'ont pas des réactions aussi négatives à mon égard.
La secrétaire de mon service était tellement minée de devoir saisir sur un outil qui la rebute mes arrêts maladie toutes les trois semaines, tâche trop ingrate pour ses illustres compétences, qu'elle m'a prise en grippe et a commencé à me dénigrer, sympa non ?
Surtout que je n'ai rien vu venir encore une fois.
Pour vous dresser le tableau de ma gentillesse crétinité : à son arrivée voici quelques années, 5-6 ans, j'avais lancé une collecte auprès de ma division pour qu'on lui offre des fleurs afin de la remercier de si bien s'occuper du service.
Donc à cause de la charge de travail que je lui causais à moi toute seule, elle a décidé qu'il fallait sévir. Elle a comptabilisé tous mes arrêts, a relancé la hiérarchie pour qu'on me supprime des jours de congés. J'ai découvert au passage qu'avec le temps de travail anualisé, on avait un nombre de jours fériés, un nombre de jours de congés d'office appelés ARTT (attention à ne pas confondre avec les RTT) mais qu'à partir d'un certain nombre de jours d'arrêts maladie sur l'année écoulée, on pouvait me réduire mon nombre de jours de congés. Elle a tenté ainsi de me supprimer une semaine de congés fin août. C'était son cadeau d'adieu, elle partait à la retraite. Elle a invité tout le service à son pot de départ sauf moi (je n'y serais pas allée de toute façon), ainsi que deux autres collègues, des boulets pour elle, elles ont le malheur de ne pas avoir une bonne santé et d'avoir des arrêts maladie à saisir trop fréquemment. J'ai tenté de faire passer le message que nous étions évincées à cause de notre santé défaillante. J'ai remarqué l'indifférence totale des autres et leur promptitude à venir signer la carte pour la plus maternelle des secrétaires. Déjà que je manque trop, tire-au-flanc potentielle, en plus je dénigre notre formidable secrétaire qui se tue à la tache. Personne ne voyait de discrimination, et moi maintenant je la vois partout et ça me révolte quotidiennement.

Je me suis mise à ne plus supporter certains de mes collègues, heureusement minoritaires. C'est épidermique. Est-ce qu'ils ont changé seulement maintenant de comportement à mon égard ou est-ce que j'ai enfin ouvert les yeux et réalisé qu'ils étaient à vomir ? je ne sais pas mais je ne leur parle plus, le pire c'est que ce sont des anciens collègues, des vieux de la vieille comme moi avec qui j'ai eu blagué fut un temps. Je leur dis bonjour du bout des lèvres et pas un mot de plus. Je deviens aigrie, l'âge doit y être pour quelque chose, dans tous les cas, les désillusions sont nombreuses et me sautent à la figure.

Comme je suis encore trop naïve, devant cette insupportable réalité, je me suis dit qu'il était temps de partir vers de nouveaux horizons et de faire table rase, de repartir à zéro. Je me suis intéressée aux mutations. J'habite une grande ville, des postes sont offerts aux mutations dans les universités, les écoles publiques d'ingénieurs. Le problème est que ce processus n'est pas informatisé, en fait il faut postuler poste par poste et je me retrouve en concurrence avec des gens en bonne santé. Je n'ai aucune chance d'être choisie avec un temps partiel de droit et ma santé défaillante. Si je cache mon cancer, on me le reprochera ensuite, si je le dévoile, on ne me choisit pas. Pour les enseignants de mon ministère, ceux reconnus handicapés ont des points de majoration pour combler ce risque et deviennent prioritaires. Rien de prévu pour mon corps de métier. Il semblerait que je sois condamnée à rester dans mon service jusqu'à la retraite et à côtoyer certains perfides. Et puis nous fonctionnaires n'avons pas de médecine du travail. Nous devrions avoir une médecine de prévention mais nous n'avons plus de médecin et n'arrivons pas à recruter ou nous ne nous donnons pas les moyens avec le salaire dérisoire que nous leur proposons. Aucun conseil ou dossier ou quoi que ce soit à attendre de ce côté.
Je me méfie désormais de tout le monde dans mon univers professionnel, histoire de ne plus être prise au dépouvu comme en janvier dernier quand on a tenté de me mettre au placard. En même temps, nous sommes en pleine fusion avec deux autres académies, tout doit être réorganisé mais rien ne filtre pour qu'on se retrouve devant le fait accompli.

Déjà que mon regard sur les médecins en a pris un coup depuis qu'on m'a laissée en rade avec mon sein à moitié refait en plein changement de la réglementation des mutuelles qui n'avaient plus le droit de me rembourser.

Je vous recopie un extrait du serment médical que prêtent tous les nouveaux médecins :

"Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire."

J'ai bien compris que ce serment n'avait pas la moindre valeur pour certains.
J'ai tenté d'assurer mes arrières pour les prochaines misères cancéreuses à venir. J'ai commencé à être suivie par une gynéco en hôpital public. Je suis la seule à vivre ce changement comme un immense bouleversement et encore une fois à prendre sur moi.
Mais suite à mon abandon par le chirurgien plasticien, j'ai traversé une mauvaise passe. Déjà que je n'acceptais pas mon corps. J'ai accusé les coups psychologiquement. Ça n'a vraiment pas été facile. En tant que patient, on a un lien de dépendance avec nos soignants.
Maintenant que la reconstruction est terminée, je me suis à nouveau acceptée physiquement et je vais mieux mais le mal est fait, je me méfie des médecins et je les vois sous un autre oeil, appâtés par le gain. J'ai conscience que je ne suis pas grand chose pour eux alors qu'ils sont tout pour moi. Je dois travailler ce sentiment de dépendance à leur égard. La vie à ce sujet m'a fait rire jaune, le fils de mon chirurgien est dans la classe de ma fille, je l'ai retrouvé à la réunion de rentrée. La vie est une grande farceuse.

Et puis même mon généraliste ne mesure pas les ravages sur ma vie quotidienne de cette cohabitation avec le cancer, il a fallu une fois de plus faire un dossier pour renouveler RQTH et tenter de récupérer les cartes de stationnement et de priorité. Il avait l'intention de cocher que je n'avais aucune incidence fonctionnelle, sociale etc... Je n'ai même pas eu à coeur de lui dire que même socialement, le cancer a des répercussions. Je dois gérer ma fatigue et je ne peux pas inviter comme j'aimerais en soirée ou accepter des invitations, je crains d'être trop fatiguée. A ce sujet même la maison du département n'avait plus de médecin, c'est beau la diminution des moyens aux services publics, et depuis qu'ils en ont récupéré un, ils rattrapent leur retard dans le traitement des dossiers, j'ai un avis favorable pour mes trois demandes. Il ne reste qu'à patienter pour recevoir les documents. Ceux qui étaient en attente de pension, n'ont eu qu'à prendre leur handicap en patience.

Côté famille, ils sont tellement habitués à la chronicité de mes traitements, que je me sens bien seule face aux bilans, aux effets secondaires, à la fatigue. Et puis ma mère et mon beau-père ont déménagé définitivement pour leur retraite, à Sète, fin octobre, un peu orpheline depuis.

J'ai plus que jamais le sentiment que cette vie avec le cancer est une succession de coups qui pleuvent et qu'on les encaisse dans la solitude.

Mes derniers bilans sont bons. Mais cette année 2018 a été marquée par de trop nombreuses copines de galère et un copain de galère qui s'en prennent plein le corps de ce cancer.

Didier, Natacha, Catherine, Béatrice, Martine, Floriane et maintenant Florence.

Deux d'entre elles ont dû recourir à des grilleurs de métastases cérébrales.
Deux patientes au long terme d'herceptine ont récidivé.
Isabelle après 8 ans d'herceptine sans récidive est repartie dans les chimios.
Florence me devançait avec 15 ans d'herceptine mais on vient de lui trouver des cellules cancéreuses dans le sein intact et il est Her2++ et hormono-dépendant, chirurgie, rayons, chimios. C'est arrivé juste quand elle attaquait un nouveau poste avec plein de responsabilités et qu'on lui avait enlevé le pac au bout de tant d'années comme elle reçoit désormais Herceptine en sous-cutanée. Je vous le dis, la vie est une grande farceuse.

Ce qui ne fait que confirmer ce que je sais déjà, le cancer n'en aura jamais fini avec moi. Il ne me laissera jamais tranquille longtemps. Ce ne sont que des pauses à savourer. Ai-je raison de vouloir batailler pour obtenir une mutation ? ai-je raison de m'obstiner à vouloir donner un sens à ma vie comme si elle pouvait suivre un fil normal ?
Je me suis aussi mise en tête de vouloir déménager, quitter mon appartement du centre-ville pour une maison. Est-ce raisonnable ? est-ce que je ne fuis pas la réalité ?

Et puis une autre idée me taraude. Ma fille aînée est en terminale. Elle rêve du GIGN, elle se voit dans une profession physique. Et moi je rumine. Et si elle a le cancer, comment pourra t-elle vivre avec un métier physique ? est-ce que j'ai le droit de lui briser ses rêves à cause de ma triste expérience ?
Alors je ne fais rien, je la pousse dans la concrétisation de ses rêves, je savoure ses illusions si rafraîchissantes à côté de mes désillusions de routarde du cancer et je me dis que je deviens une vieille mégère aigrie qui voit le mal partout, la faute au cancer, c'est certain. Il ne bousillera pas que mes projets de vie. Il m'aura à l'usure.

Qu'on ne vienne jamais me dire que le cancer est une chance. Je ne peux pas avaler cette couleuvre.

Désolée pour ce billet dépourvu de gaieté mais le cancer n'a rien de gai, de glorieux et encore moins de girly, le rose est beaucoup trop doux pour ce fléau.

C'était mon coup de gueule de fin d'année 2018 et ça me fait du bien. Vous êtes dans mes pensées quotidiennes mes soeurs de galère, je suivrais de toute façon votre chemin. Mais comme je le dis à mes filles, on meurt tous un jour, le tout est d'écrire des belles pages bien remplies dans le livre de notre vie quelle que soit l'épaisseur du livre. Dans tous les cas, le mien sera plein d'amour pour elles mais j'ai bien du mal à écrire mes pages en conservant la maîtrise de la direction que je veux donner à ma vie et ce n'est pas faute de batailler.

solitude

14 janvier 2018

2018 commence très mal : placardisation, cancer en vue...

En janvier dernier, j'attaquais 2017 en sachant que j'allais subir deux interventions chirurgicales sur l'année, ce qui est plutôt lourd à vivre, mais au moins ce n'était pas pour me soigner mais pour me réparer et donc générateur de moins d'angoisses.
Je pensais que 2018 pourrait me laisser un peu souffler.

J'ai changé d'année à la montagne, j'y ai passé la première semaine de 2018, j'étais en vacances avec mon mari et mes filles, en dehors de la fameuse tempête, j'ai pu skier. Je me sentais reposée. Je jouais à des jeux de société avec mes filles, j'ai fait des crêpes, des gaufres, tous ces petits plaisirs simples qui donnent le sourire à tous.
Et puis j'ai repris le travail cette semaine, lundi.

1er retour du baton : tentative de me mettre au placard

Je suis ingénieure en informatique, j'aime ce que je fais. Je m'entends très bien avec mes différents interlocuteurs. Il règne une bonne ambiance dans mon service, pas dans ma division où ça tourne à la foire d'empoigne.
Mon directeur a quelques difficultés pour gérer le personnel, il s'est mis sa hiérarchie à dos et a peur de perdre sa place.
Mon chef de service avait pris 3 mois de congé formation à la rentrée alors que j'étais aussi absente à cause de ma dernière opération. Mon binôme est parti à la retraite et celle qui le remplace, pleine de bonne volonté et très performante, vivait seulement sa première rentrée scolaire, pic d'activité pour nous. Et pour couronner le tout, tous nos programmes, toute notre gestion a subi des réformes, l'équipe diffusant ces logiciels n'ayant pas été renforcée, la rentrée a été très douloureuse, un calendrier quasi impossible à tenir, une pression intenable.
Bref difficile de faire pire. Malgré tout, elle a bossé d'arrache pieds et s'en est sortie.

J'occupe ce poste depuis plus de 7 ans. En fait lors du diagnostic de mon cancer métastasé, j'étais l'adjointe au chef d'un autre service de la même division. Elle allait partir à la retraite, on augmentait mes responsabilités. J'ai été arrêtée 18 mois puis j'ai repris à mi-temps thérapeutique pendant un an. A mon retour, je n'avais plus rien d'intéressant à faire. On avait changé les mots de passe, on avait distribuer mes tâches, je n'étais plus l'adjointe de rien, je n'avais plus aucune responsabilité. J'étais extrêmement fragile, le tsunami du cancer métastasé, stade 4, venait de passer et je tentais juste de retrouver des nouveaux repères. J'étais tellement heureuse d'être en rémission et de pouvoir reprendre une vie presque comme avant. J'appréciais ce mi-temps thérapeutique et finalement j'étais satisfaite de reprendre doucement, mon directeur de l'époque m'avait dit de prendre mon temps.
Le problème s'est posé à la fin de cette année en mi-temps thérapeutique, lorsque j'ai repris à 80%, je m'ennuyais au travail. Je suis allée me plaindre, on m'a refilé des documentations à réaliser sur des sujets bien barbants qui n'avaient motivé personne. J'ai compris le message. J'ai laissé passé du temps, et puis ce n'était plus tenable. Je n'avais pas fait tout ça pour me retrouver à l'écart, pour faire acte de présence. J'ai décidé que deux solutions s'offraient à moi, soit je portais plainte à la Halde pour discrimination (absorbée depuis par le défenseur des droits), soit je devais changer de poste pour repartir sur des bases saines.

Justement un poste était libre dans un autre service et on avait besoin urgemment de quelqu'un.
J'ai postulé, j'ai été prise, j'ai changé de service, pas de direction, et je suis repartie à zéro. Ce challenge m'a permis de reprendre confiance en moi.
Depuis j'ai acquis une expertise sur cet emploi, on n'a absolument rien à me reprocher, au contraire tout le monde semble satisfait de mon travail. J'ai un entretien individuel chaque année, que du positif à chaque fois. Je signale depuis trois ans que mon collègue va partir à la retraite et que son départ va faire un trop gros vide, qu'il faut recruter, qu'on ne tiendra pas. Mes collègues tiennent le même discours. Mon binôme avait tendance à vivre pour son travail, à ne pas compter ses heures et à être excellent. C'était un collègue en or mais on n'en fait plus des comme ça.

Mon chef absent trois mois, s'est fait piquer un poste faute de recrutement.
Et la rentrée a révéler les failles de notre gestion du personnel à flux tendus. D'autant plus qu'on a eu un autre départ à la retraite mais heureusement remplacé et qu'un autre se profile et personne actuellement ne va la remplacer.

Lundi nous avons travailler d'arrache pied toute la matinée pendant que tous les chefs étaient en réunion, on m'avait même donné pendant mes congés une clé pour me permettre de me connecter et de travailler si besoin sans aucune contrepartie, bien entendu.
L'après-midi, mon chef nous a réunis et là, sans rien voir venir, il a commencé à insister lourdement sur notre duo qui devrait être occupé par deux personnes à temps plein. Je suis à temps partiel de droit, à 80%, reconnue travailleur handicapé depuis 3-4 ans, j'ai fait ces démarches pour anticiper les carences en gestion du personnel et pour qu'on ne tente pas de supprimer mon temps partiel. J'ai tout d'abord pensé qu'il voulait compléter mon poste par quelqu'un d'autre et devant son insistance sans me regarder, j'ai compris qu'il voulait me dégommer. Il a fait le coup à un autre qui bosse depuis 30 ans sur un poste sans personne pour l'aider, que l'on fait revenir pendant ses congés, que l'on traite sans grande considération. Il a commencé à nous présenter une réorganisation, elle ne convenait à personne, aucune adhésion. Il me voyait occuper un poste transverse, venant faire un petit de tout ou autrement dit du bouche trou.
Je lui ai manifesté très clairement que j'y étais totalement opposée. Je l'ai laissé parler, j'étais bouleversée.

Je suis partie plus tôt, nous étions tous mécontents. J'ai très mal dormi, très peu. Je suis arrivée, le mardi,avec une migraine sous-jacente. Dès son arrivée, j'ai demandé à le voir en entretien dans la journée. 10 mn après nous étions dans son bureau.
J'ai demandé en premier qu'il éclaircisse les fonctions qu'il comptait m'attribuer, histoire d'être certaine d'avoir bien compris, pour enlever tout malentendu.
Je lui ai dit que j'étais furieuse, qu'on n'avait rien à me reprocher, que j'occupais ce poste depuis 7 ans, que je n'avais pas demandé à changer et que par conséquence je le vivais comme une rétrogradation, qu'il comptait me mettre sur un poste occupé précédemment par un technicien, que ce travail ne m'intéressait pas du tout et que la seule chose qu'il me reprochait était mon temps partiel, et si j'étais en temps partiel, c'était à cause de ma maladie. Mon tort était d'avoir un cancer, j'avais eu le malheur d'avoir deux arrêts dans la même année, alors hop on se débarrassait de moi pour prendre quelqu'un en bonne santé. Que j'attendais d'avoir un écrit détaillant mes nouvelles fonctions, que je n'allais certainement pas me laisser faire, que c'était de la discrimination, que j'étais une personne fragile et que j'avais des droits. J'allais porter plainte, demander un RDV au DRH.
Mon chef était abasourdi. Il n'en revenait pas. Il m'a dit qu'il n'avait jamais eu cette idée, qu'il n'avait jamais vu les choses sous cet angle.
Je lui ai fait remarqué qu'il aurait du mal à faire voir leurs actes comme autre chose que de la discrimination.
Il a fait du rétropédalage, il m'a caressé dans le sens du poil, j'étais merveilleuse, mon travail était top, tout était pour le mieux, ce n'était qu'une proposition, rien d'acté (pas du tout ce qui avait été dit la veille), on ne me changerait pas si je m'y opposais, je conservais donc mon poste.

Je suis ressortie de là soulagée à double titre, d'avoir vider mon sac et de ne pas perdre mon poste. Par contre l'estime que j'avais pour lui a disparu, je suis une personne trop bienveillante, trop naïve, incapable de déceler de telles manigances, mais là personne ne l'avait vu venir dans mon service.

eleves

Le problème de répartition des tâches demeure, en fait il manque une personne et on peut jouer aux chaises musicales, ça ne ferra qu'en ajouter un peu plus à chacun, méthode fort répandue à notre époque, faire plus avec moins.
L'audit commandé par la hiérarchie sur notre division va bientôt débuter et ils stressent tous devant la désorganisation du service.
Je refuse d'en faire les frais, on les alerte sur ce problème depuis plusieurs années.
Ce n'est pas la première fois que je les vois s'attaquer à des personnes affaiblies et leur imposer ce qui leur passe par la tête. Lamentable.
Cette fois, je n'étais pas faible comme à ma reprise. Je n'ai plus grand chose à perdre, je suis bien décidée à me battre bec et ongles. La maladie m'a endurcie. J'ai pris l'habitude de batailler pour tout, rebondir après cette histoire de CAS a été bien lourd à vivre mais j'ai réussi à terminer ma reconstruction...
Mes chefs font tous profil bas, ils ont peur que j'aille ébruiter cette discrimination plus haut où ils ne sont déjà pas en odeur de sainteté. Et puis ils ont pu se rendre compte d'un fait : ma détermination. Ce n'était pas du bluff, j'étais convaincue de mes actions à venir s'ils persistaient.
Une autre de mes collègues reçue à ma suite, s'est aussi enhardie, et a refusé, ils la baladent depuis un mois...
J'ai continué mon travail ce mardi. Le soir encore, j'ai eu du mal à dormir correctement. Trop de tensions.

2ème coup dur : grain de beauté cancéreux

Le mercredi matin, j'avais toujours cette migraine mais c'est justement le jour où je ne travaille pas.
J'avais RDV l'après-midi chez la dermatologue.

Lors de ma seconde intervention, le chirurgien avait tiqué devant un petit grain de beauté sur le sein cancéreux. J'avais aussi remarqué qu'il était bizarre et suspect.
J'ai pris RDV à ce moment-là mais il y avait plusieurs mois d'attente.

Ma fille aînée avait aussi RDV, on a commencé par elle. Puis ça a été mon tour.
Et là elle a bloqué sur ce grain de beauté et m'a dit qu'il était cancéreux et qu'elle allait me l'enlever sous anesthésie locale.
J'ai eu droit à la piqûre, le scalpel, les gros fils noirs et le beau pansement.
D'après elle, c'est peut-être un mélanome ou un carcinome basocellullaire déclenché par la radiothérapie.
Elle me revoit dans deux semaines, elle enlèvera les fils et devrait avoir les résultats. Elle a été très pro, ne m'a transmis aucune inquiétude, m'a décrit son prélèvement large du grain de beauté qui devrait certainement suffire.

J'ai décidé de ne pas m'en faire, j'ai juste jeter un oeil sur internet sur le carcinome basocellullaire, cancer qui ne fait pas de métastase, au pire si on en a laissé, il revient, il faut bien tout prélevé et débarrassé. Elle m'a aussi prévenue que ça pouvait en être une autre forme, on verra...
J'espère juste que ce ne sont pas des métastases cutanées.

J'ai enfin mieux dormi et la migraine m'a quitté. Jeudi et vendredi, comme s'il ne s'était rien passé, mon chef tout sourire me demandait si j'allais bien. Je joue le jeu mais je ne fais aucun effort, je ne suis pas près de discuter de quoi que ce soit avec lui, la stricte politesse sera bien suffisante.

et pour finir en beauté : ma fille chute et perd connaissance

Le vendredi soir, nous sommes partis à la montagne. Mes filles avaient des compétitions de ski toutes les deux. Nous avons mis le réveil à des heures différentes, la plus grande devait être à 7h du matin à un RDV pour rejoindre une compétition, mon mari s'en chargeait, la seconde avait son entraînement qui débutait à 9h30, c'était moi qui m'y collais. Sa compétition n'avait lieu que le dimanche.

Un peu plus tard dans la matinée, sous un soleil magnifique, une température clémente, nous nous retrouvons tous les deux, nous prévoyons de déjeuner et de rejoindre la station de ski pour prendre un café sur une chaise longue et d'aller se promener. Mon mari ne peut pas faire de ski cet hiver, il a eu greffe d'un tendon à la place d'un ligament croisé antérieur presque totalement rompu.

Le téléphone sonne, la coach de la plus jeune de mes filles E. nous appelle, elle vient d'avoir un accident pendant sa descente en géant. Elle a perdu connaissance et les pisteurs secouristes l'ont réanimée. Ils vont la transporter auprès d'un médecin. On saute en voiture, elle nous rappelle, finalement, elle a été évacuée en hélicoptère pour être acheminée au centre médical de la station. Elle était confuse, ne savait plus quel jour on était, et ne se souvenait absolument pas de ce qui a juste précédé sa chute. Ses bagues se sont incrustées dans sa lèvre et elle a saigné.
En route, on voit l'hélicoptère. Arrivés au centre médical, la civière sort de l'ambulance. Je sors en courant pour la rejoindre pendant que mon mari va se garer.
Finalement après plusieurs radios, rien de cassé, que des bleus. Elle se plaint de douleur violente à la tête. Le médecin l'a gardée pendant 3h en observation. A part le côté gauche de son visage un peu gonflé, l'épaule, le coude et le poignet gauche douloureux, elle va bien. Tous soulagés, nous rentrons enfin.

Une autre semaine va débuter demain, j'espère qu'elle sera beaucoup moins forte en émotions, d'un calme plat...

Le cancer m'est revenue cette semaine en pleine face alors que je ne m'y attendais pas. Me contentant de le guetter lorsque j'ai des douleurs inhabituelles, lors de mes contrôles, bilans sanguins. Il m'a fait une farce, il s'est manifesté sous deux autres formes, une tentative de discrimination au boulot et un cancer cutané. Il ne reste pourtant pas grand chose de mon sein, on a enlevé tout l'intérieur, le mamelon, l'aréole et la partie basse. Le grain de beauté a frappé sur le dessus de la peau du sein, la seule partie intacte. Les points font bien 2cm de long, une petite cicatrice de plus.
Il ne faut jamais baisser sa vigilance, il frappe lorsqu'on s'y attend le moins.

Je ne peux que vous inciter à vous faire reconnaître travailleur handicapé : RQTH. Vous êtes libre ensuite de le dire ou pas à votre employeur mais vous aurez des protections supplémentaires en cas d'attaques sournoises.

Par contre cette confrontation m'a fait prendre conscience qu'en face de moi, ils n'avaient pas inclus dans leur réflexion mon handicap. Il ne leur était même pas venu à l'idée que ce qu'ils me reprochaient était mon état de malade. Ils me traitaient comme un pourcentage dans leurs processus de gestion des ressources sans tenir compte de ce statut à part.

En même temps, ça semble utopique de demander à un service soumis à des critères de rentabilité, de compression de personnel de faire preuve de bienveillance à l'égard de ses salariés handicapés. Je pense que c'est contradictoire. L'objectif est louable mais dans la réalité, je ne vois pas d'application autrement que par une relation de force. Triste constat.

Je vais faire bien attention, j'ai été stigmatisée. La secrétaire qui se mêle toujours de ce qui ne la regarde pas, s'est même permis de dire qu'il y avait de la rébellion dans notre service en me regardant. Sympathique comme climat. Ce n'est pas encore demain que je vais pouvoir mettre mon cancer en veilleuse. La cohabitation est omniprésente. Je pensais que j'étais arrivée à le faire oublier au boulot mais impossible. Rien ne résiste au cancer. Il me colle à la peau quoi que je fasse. Une autre manifestation de l'ampleur de ses dégâts.

bocal

Je vous souhaite une très heureuse année 2018, je vous la souhaite moins houleuse que ma semaine passée.

10 novembre 2017

Ma fille a eu 16 ans

Voilà, c'est fait, j'ai pu assister aux 16 ans de ma fille aînée J..

Elle avait 4 ans et demi au moment du diagnostic de mon cancer du sein métastasé d'emblée au foie, j'en avais 34 et demi.
J'ai pu l'accompagner depuis la maternelle, jusqu'au lycée malgré la maladie, les traitements, les passages au bloc, les contrôles, la fatigue en yo-yo. Elle est allée voir quelques fois la psy du centre anti-cancer, ses difficultés d'endormissement à cause de sa peur de me retrouver morte à son réveil ont pu être réglés. Elle est devenue une jeune fille équilibrée, sérieuse, déterminée, extrêmement sportive, toujours prête à m'aider pour me soulager, pleine de projets pour son futur que je lui souhaite aussi beau que possible.

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J. et l'une de ses compétitions de ski

Je suis tellement heureuse de vivre cet évènement. Ce n'était pas gagné en 2006.

Le jour de son anniversaire, nous étions en vacances dans le Var. Ma soeur nous a rejoints pour la journée et nous sommes allés le fêter dans un bon restaurant de poissons/fruits de mer, les plats préférés de J..
Le lendemain matin nous avons pris la route pour rentrer sur Lyon. Aussitôt arrivée, j'ai foncé récupérer le gateau américain commandé avant notre départ. A 16h30, ses amis ont frappé et l'anniversaire surprise que j'avais initié et organisé avec leur aide l'a laissée sans voix puis un magnifique sourire a illuminé son visage.
Je me suis éclipsée, j'avais tout à ranger. La savoir heureuse suffit à mon bonheur.
Ils sont sortis s'amuser puis ils ont tous dîner ensemble, à l'extérieur.

Le lendemain, le dimanche midi, nous avons à nouveau fêter cet évènement en famille, chez nous. Elle a encore soufflé ses bougies mais sur un gâteau plus classique.

11 ans que je cohabite avec cette saleté de maladie, 11 ans que ma vie est conditionnée par les traitements. Un tel évènement donne tout son sens à ce parcours du combattant.
J'espère que le cancer me laissera signer pour 11 autres années...
Pouvoir les voir s'émerveiller de ce que la vie leur réserve comme belle surprise.
Elles savent que le cancer frappera certainement à leur porte mais en étant suivie dès 25 ans par échographie, par un excellent radiologue, elles ne devraient pas connaître le stade 4, celui qui vous fait basculer du côté où le mot guérison est banni, en tout cas pas d'emblée comme celui que je me traîne.

Samedi, c'est le salon Studyrama des grandes écoles et écoles d'ingénieur, à Lyon. Toutes les deux nous allons y passer la journée, assister à des conférences, poser des centaines de questions. Être à ses côtés pour l'aider à choisir sa future école d'ingénieur est un autre de mes bonheurs. Je suis un peu décalée des parents qui soufflent, pestent à l'idée du temps perdu. Pour moi c'est un privilège de vivre ces moments avec elle, de l'épauler, de la rassurer sur ses capacités. Et puis comme elle pratique la conduite accompagnée, elle va nous y conduire et nous en ramener.
C'est moins périlleux que ce qui m'attend la semaine prochaine, échographie cardiaque, scanner de l'abdomen pour surveiller les métastases, visite avec l'oncologue, perfusion d'herceptine. Les résultats de ma prise de sang d'hier sont bons, je ne devrais pas avoir de mauvaises surprises.

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J. au volant

Samedi, je ferai le plein de joie. Ces jeunes confrontés à ces univers de possibilités, où tout s'ouvre à eux, c'est plein de magie pour moi, la malade, la quarantaine bien avancée, où tant de portes sont désormais fermées à double tour.
Je la soutiendrai quoi qu'elle choisisse, elle le sait et je pense que c'est une force que je lui transmets de croire inconditionnellement en elle, en l'encourageant dans tous ses projets. La vie se chargera bien de lui enlever quelques illusions, moi je suis là pour l'encourager.

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En vacances, des souvenirs inoubliables

27 octobre 2017

Reconstruction : clap de fin

J'ai eu la dernière opération de ma reconstruction mammaire le lundi 4 septembre 2017, la dernière d'une très longue série de trois.

Ces trois opérations ont été éprouvantes physiquement et psychologiquement, le résultat est vraiment top, j'en suis très satisfaite mais si je devais repasser par là pour l'autre sein, j'aurais quelques hésitations à revivre ce long chemin si traumatisant.

Le pire revient sans conteste à la première opération, 15 juin 2015, qui a consisté en une mastectomie avec reconstruction immédiate et presque trois mois d'arrêts derrière. C'était douloureux, handicapant au quotidien pendant plusieurs mois et comme j'ai eu droit à une complication, une nécrose dans le bas du sein, je devais avoir des soins infirmiers tous les jours, pendant ces trois mois. C'est extrêmement contraignant et le temps semble s'écouler si lentement, on n'en voit pas la fin, sans parler des incertitudes sur le résultat final. Je vous renvoie ici et , les billets que j'ai écrits à ce sujet.

Je devais enchaîner avec la seconde étape, début 2016, et puis je me suis retrouvée à batailler contre les changements de prise en charge par les mutuelles, le Contrat d'Accès aux Soins ou CAS (objet d'un billet qui a fait pas mal le buzz). J'ai passé quelques mois avec une grande frustration, de la colère, un immense sentiment d'injustice et j'ai fini par trouver une solution pour terminer cette reconstruction avec le même chirurgien sans devoir payer plusieurs milliers d'euros pour retrouver une apparence en adéquation avec une acceptation psychologique. Je ne peux pas vivre avec un seul sein, j'en souffre, je rumine, j'aime encore moins mon corps. Je suis ainsi faite, je suis pourtant bardée de cicatrices mais le sein en moins, c'est trop pour moi, je préfère avoir supporter toutes ces opérations, mon énergie en berne, et ces baisses de moral...

Mon chirurgien a réalisé la seconde partie de la reconstruction cette année, le 23 janvier 2017, une année plus tard que prévue (billet ici). J'ai vécu 18 mois avec cette prothèse que je ne supportais plus, d'autant plus que j'avais un micro sein en dessous et qu'elle glissait doucement vers la droite et que ça ne ressemblait à rien. La cicatrice du dos s'était élargie façon Frankeinstein. Je ne m'acceptais pas du tout et ce délai imposé par le changement de réglementation avec ce CAS m'est définitivement resté en travers de la gorge.

Pendant ma convalescence, Hélène et Manuela sont décédées. La morphine que je ne supporte absolument pas m'a donné des douleurs terribles, je suis tombée malade là-dessus avec cortisone et antibiotiques. La fatigue, les douleurs, l'injustice de ce cancer ont miné mon moral, j'ai eu des grands moments de solitude (un autre article ici). Mais de toute façon, je suis convaincue que quelles que soient l'empathie et la bienveillance de l'entourage, on est extrêmement seul sur le chemin de la maladie, un grand face-à-face avec soi-même.

Cette seconde opération a permis de laisser tomber la prothèse, de pouvoir remettre des maillots de bain presque comme tout le monde, seuls les bandeaux me vont et dissimulent les traces trop visibles, pour moi, du cancer.

Et j'ai enfin subi la dernière étape qui marque la fin de la reconstruction, enfin pas complètement une fin, la fatigue de deux interventions en une année va me prendre une autre année pour disparaître, mon manque déjà permanent d'énergie à cause des perfusions n'arrange rien. Elle a consisté à :

  • reprendre complètement la cicatrice du dos, ça tiraille bien à nouveau mais c'est seulement moche maintenant, pas monstrueux, ça a changé de registre. Pour précision, cette cicatrice horizontale mesure plus de 20 cm.
  • prélever de la graisse dans des endroits encore jamais prélevés. Cette fois-ci, ça a été fait dans l'intérieur des cuisses et surtout sous la taille, dans le bas du dos. Cette zone me fait encore mal, c'est extrêmement douloureux.
  • Réinjecter cette graisse dans le dos creusé par le bout de grand dorsal découpé avec gras et compagnie.
  • Réinjecter aussi dans le sein reconstruit pour compléter son volume.
  • Retailler le faux mamelon réalisé en peau de dos depuis janvier.
  • Tatouer l'aréole réalisée en janvier avec de la peau de l'autre sein. Le tatouage est en fait une coloration de cette peau pour qu'on ne voit aucune différence avec l'autre aréole, c'est bluffant.
  • Et le plus long et compliqué pour mon chirurgien a été d'allonger le déroulé du sein reconstruit, il n'était pas comme prévu à cause de la nécrose à cet endroit.

Cette intervention a duré 2h30 et le lendemain on m'a renvoyée chez moi sans se soucier si j'avais des aidants, où j'habitais...
J'étais à ramasser à la petite cuillère et incapable de tout, même de me faire à manger ou d'aller à la pharmacie. Si j'avais été seule, à la campagne, comment aurais-je pu aller chercher mes pansements à la pharmacie, m'acheter à manger ? Ça ne semble pas être du tout les préoccupations du personnel médical, on t'opère, on te renvoie chez toi et débrouille toi. Je trouve que c'est manquer totalement de respect au malade, le considérer vraiment comme un bout de viande, absence totale d'humanité de la part du milieu médical. Les actes chirurgicaux terminés, hop dehors. Heureusement mon mari a cuisiné, est allé à la pharmacie, mes filles ont aidé pour toutes les corvées ménagères et surtout elles sont assez grandes pour aller en cours seules et en revenir. Aucune gestion du retour à domicile quand on est dans un état de grande dépendance, aucune proposition logistique pour donner un coup de main et ne pas aller au-delà de ses forces.

Encore une fois, j'ai été incapable de bouger de mon canapé pendant au moins trois semaines. J'ai eu un soupçon d'énergie, je suis sortie profiter du beau soleil qui me narguait derrière mes fenêtres, une femme a toussé trop près de moi, je suis tombée malade. Et c'était reparti pour les antibiotiques et la cortisone.

J'ai repris le travail après 5 semaines d'arrêt et deux perfusions d'herceptine. C'était trop tôt, j'ai eu une migraine carabinée qui ne m'a pas quittée jour et nuit pendant une semaine. Je précise qu'on m'avait passé en demi-salaire, je n'ai droit qu'à 3 mois d'arrêts par an et mes chimios en consomment un mois par an alors deux hospitalisations sur la même année ont épuisé le reste de mes droits.

Au fait on m'a aussi supprimé ma carte d'invalidité qui me permettait d'écourter la queue aux files, essentiellement de la pharmacie dont je dépens et qui est digne des pharmacies américaines, immense avec des dizaines de pharmaciens et qui a fait fermer toutes les autres pharmacies dans un très grand périmètre autour de chez moi. Suppression aussi de la carte de stationnement, j'habite en plein centre ville, je suis incapable de me déplacer dans les transports en commun, entre les microbes que j'attrape et le risque que quelqu'un me bouscule à un endroit où il ne faut pas toucher, je préfère ma voiture. Le motif du refus est que je n'ai pas besoin d'un chauffeur tout le temps. Je peux conduire seule. Je tenterai une autre approche du remplissage du dossier l'année prochaine, je n'ai pas eu le courage de refaire une nouvelle demande.

Je sens enfin l'énergie me revenir petit à petit, attention rien de dingue, mais juste assez pour arriver à faire mes tâches quotidiennes sans que ça semble insurmontable.

Depuis l'année dernière, ils surveillent de plus près l'autre sein, le vrai. J'ai eu une biopsie dedans, l'an dernier, et cette année, après échographie, mammographie et IRM en mai, j'ai dû repasser une autre IRM, fin août, juste avant l'opération. A priori, rien d'anormal mais ce sursaut d'inquiétudes du radiologue sur ce sein ne me rassure pas. Je sens, qu'un de ces jours, on va me dire qu'il va falloir aller tailler dedans ou d'autres misères de cancéreux à subir.

Mais chaque jour suffit sa peine, je profite donc de ce calme relatif, ayant bien conscience qu'à tout moment, la tempête peut revenir. Je savoure la fin de cette reconstruction. J'espère que le cancer me laissera assez de temps pour recharger les batteries mais il n'est pas du genre bienveillant, plutôt trop envahissant. Je passe les contrôles de mon abdomen mi novembre, impossible de laisser le cancer totalement hors de ma vie. C'est le prix à payer pour savourer davantage tout moment sans cancer.

Pour toutes celles qui auraient envie de passer par une reconstruction, sachez que c'est long, que vous y laisserez beaucoup d'énergie, que vous aurez mal mais rien d'insupportable, mais que le résultat est à la hauteur des espérances lorsque le chirurgien choisi maîtrise la technique retenue. Attention, gardez bien en tête que votre sein est définitivement perdu, que c'est un faux sein qu'on vous crée, un vrai faux sein, vivant mais qui n'a rien d'un sein au niveau sensibilité, sensations, fonctionnalités. Ce n'est que de l'esthétique, un morceau de chair avec un peu de muscle déplacé mais rien à voir avec ce que vous aviez avant la mastectomie. Il ne remplacera jamais le sein qui a nourri votre bébé, qui a pu émoustiller votre désir, qui était une partie de vous. Celui-ci est un faux, même tellement bien réussi qu'on ne pourrait pas faire de différence visuelle entre les deux. Une reconstruction ne vous fera pas échapper au deuil consécutif à la mutilation imposée par le cancer.

Je pense que mon prochain billet sera enfin un peu plus éloigné de cette bataille contre le cancer, j'ai le bonheur de vivre les 16 ans de ma fille dans une semaine, ça fait deux semaines que je nage dans le bonheur juste parce que je suis là, en vie pour le fêter et la voir devenir une si belle personne. Ça fait 11 ans et demi que je vis grâce à ma potion magique, herceptine. Mes filles avaient 4 et 1 ans. On a pu s'en créer des souvenirs pendant tout ce temps gagné avec tous ces moments vécus ensemble. Comme je suis une irréductible optimiste, je suis totalement tournée vers cet anniversaire, des vacances dans le Var, à partir de demain, et je mets de côté la énième perfusion passée hier, le scanner à venir, l'échographie cardiaque de contrôle, l'oncologue à rencontrer, le stress qui ira avec...

Alors à défaut de pouvoir faire un clap de fin sur le cancer, je le fais sur cette étape importante, la reconstruction, qui m'a accompagnée pendant 2 ans et demi.

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14 mars 2017

Le cancer telle une course d'endurance est un sport solitaire

Ma vie doit composer avec les traitements pour lutter contre le cancer mais aussi avec tous les effets de bord qui en découlent. La reconstruction en fait partie. Elle n'est pas indispensable médicalement parlant mais c'est à cause du cancer que mon apparence physique a été modifiée et que je tente d'y remédier.

Ma vie est comparable à une longue course d'endurance à laquelle on a ajouté quelques obstacles pour corser l'épreuve.
C'est au quotidien, c'est tout au long de ma vie que je dois fournir de la résistance, de la ténacité. Tenir bon, continuer à avancer un pas après l'autre, ne jamais abandonner, ni s'avouer vaincue mais toujours persévérer malgré les coups répétés assénés par la maladie, malgré l'usure physique et le répit que réclament mon esprit et mon corps. Si je faiblis physiquement, c'est le mental qui doit prendre la relève.

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Ça semble facile à écrire mais je peux vous dire que c'est très lourd à vivre certains jours. L'envie de tout arrêter est venue très rarement me titiller mais elle m'a narguée les jours où le moral et le corps étaient de plomb.
Et puis un rayon de soleil, le sourire d'un proche, un geste tendu, le souvenir d'un moment heureux me redonne la minuscule étincelle qui m'a fait défaut un instant et je reprends ma course d'endurance.
D'autres jours, je ne sens même plus ce fardeau, il fait tellement partie de mon quotidien, tout semble facile, évident. Mais la vie est une succession de jours heureux et malheureux et je ne me lève pas d'humeur égale. Des moments de vie qui m'ont été volés s'immiscent de temps à autre, brièvement mais me rappellent tout ce que le cancer m'a pris, physiquement, professionnellement, socialement...

La seconde étape de ma reconstruction a eu lieu voici 6 semaines. Je suis très satisfaite du résultat et de ce corps symétrique que je retrouve. Mon chirurgien a fait du bon boulot mais les trois semaines qui ont suivi cette intervention ont été difficile à vivre.
Mon problème est que je ressens de plus en plus intensément la lourdeur des jours après une intervention.
Je n'ai aucune inquiétude sur l'opération en elle-même, je sais que je suis très bien entourée, que ces médecins pratiquent ces gestes tous les jours, je me sens en confiance. J'attends avec impatience, le moment où l'anesthésiste me pose un masque sur le visage en me demandant de respirer pendant qu'enfin il m'injecte le produit anesthésiant qui m'envoie dans cet entre-deux où la conscience disparaît ainsi que toute sensation.
La difficulté, c'est après, au réveil, lorsqu'on tente un mouvement. Oh pas grand chose ! Attraper son portable pour envoyer un sms rassurant à ses proches. Obligée de calculer, mesurer, analyser les gestes qu'il va falloir effectuer sans solliciter les zones sensibles. On peut mettre un quart d'heure pour enfin tenir le précieux sésame dans les mains.

Je n'active jamais le téléphone fixe de ma chambre, je préfère fonctionner avec mon portable, activé lorsque je suis disponible, je peux même choisir à qui parler et surtout ne pas me faire réveiller par un appel qui pouvait attendre. Je suis ivre de sommeil après une anesthésie générale. Je dors et tenir une conversation me demande à certains moments des efforts surhumains pour lutter contre l'endormissement donc la gestion de mes appels m'apporte un grand confort. Je ne veux pas non plus de visite le jour de mon intervention, le lendemain avec grand plaisir. Mon besoin de dormir est trop impétueux.

La répétition de ces passages au bloc, de ces traitements, de ces périodes de doute, a mis en évidence la solitude ressentie face à la maladie, à une divergence des ressentis de mon entourage, ceux qui m'accompagnent, et de moi-même, celle qui subit.
C'est en fait dès l'hospitalisation que nous ne sommes plus sur la même longueur d'onde. Nous sommes déconnectés. Tous mes proches appréhendent l'intervention, m'appellent la veille et les heures qui précèdent, ils sont tracassés de ne pas pouvoir me joindre dans ma chambre, ont déjà désigné qui allait appeler les infirmières pour être rassuré et faire passer cette bonne nouvelle. Pendant ce temps, j'attends avec impatience d'en avoir fini avec l'intervention, je ne ressens ni angoisse, ni inquiétude. Décalage entre mes émotions et les leurs.
L'intervention a lieu. Je dors, eux ont évalué le temps et déjà appelé une ou plusieurs fois pour qu'enfin on leur annonce que tout s'est très bien déroulé et que je suis de retour dans ma chambre ou sur le point de l'être. Pour eux, l'affaire est close, le plus dur est passé, ils sont soulagés. Moi je dors encore, inconsciente ou justement je suis enfin assez éveillée pour tenter l'envoi du sms qui me demande tant de stratégie et d'efforts. Le plus dur commence pour moi, le plus difficile vient de se terminer pour eux.
Décalage encore.

Ils m'envoient des sms, je les ai peu à peu tous au tél ou j'ai répondu à leurs messages, j'ai publié sur les réseaux sociaux. Tous me manifestent leur soutien. On m'enveloppe de chaleur. Je suis aussi très entourée à l'hôpital, on ne cesse de surveiller mes pansements, de prendre ma tension et ma température. je n'ai rien à faire, on me prend totalement en charge. On me sert mes repas, on fait mon lit, on m'aide dès que je sonne. Et pourtant me lever, me laver, manger allonger puis assise est un Himalaya à atteindre et seule j'en affronte la difficulté.

Je sors enfin de cet univers médicalisé pour retrouver mon chez-moi.
On m'appelle encore pour s'assurer que je suis bien rentrée à mon domicile. Et ensuite, plus beaucoup de nouvelles, j'ai repris ma vie, ils reprennent la leur. Sauf que ce n'est pas ma vie habituelle, c'est une course d'obstacle et j'ai bien du mal à la franchir sans aide. Me laver, m'habiller, faire mon lit, refaire peu à peu des gestes quotidiens me coûte.
Je me vois enfin dans un miroir, quelle que soit l'opération, il n'y a qu'un médecin pour trouver ça réussi. C'est moche, sanguinolent, douloureux et c'est un nouveau soi à accepter, à appréhender. Ca demande du temps, de l'énergie, des pleurs de temps en temps, et c'est à ce moment-là qu'on se sent vraiment seul face à soi-même. L'entourage est retourné à sa vie, rassuré de savoir qu'on a repris la notre, incapable de mesurer les épreuves qu'on vit que ce soit par inexpérience, par manque d'empathie ou par déni.
Plus les opérations sont nombreuses, plus les épreuves reviennent fréquemment, plus les proches s'habituent et plus je ressens la solitude du vécu de la maladie et de tous ses effets délétères.
J'ai le sentiment d'un grand passage à vide où je dois fournir le plus d'énergie au moment où j'en ai le moins. Je le vis mal, de plus en plus mal et je ressens l'incompréhension de mes proches. Nous sommes trop déconnectés à ce passage.
Quand je recommence à vivre presque normalement, la connexion se rétablie. Mais c'est au moment où j'aurais le plus besoin d'être entourée, que je me sens la plus seule.
Je ne suis pas seule réellement, ma famille est là, mon mari a même pris deux semaines de congé d'aidant familial pour être à mes côtés, c'est psychologiquement que je me sens si seule pour affronter ces changements.

La notion du temps aussi creuse un fossé. Lorsqu'on est pris dans le tumulte de la vie quotidienne, une semaine, c'est un claquement de doigts. Lorsqu'on est convalescent, tout demande du temps, tout est long, on vit à un autre rythme, au ralenti.
On se dit "il faudrait que je l'appelle ou que je passe la voir" et puis l'occasion est passée et reportée. Pendant ce temps, moi, la malade, je mets 2h pour me laver le corps par morceaux à cause des pansements et de mon manque d'énergie. je me déplace doucement en faisant bien attention à ne pas me faire mal, je passe des heures sur mon canapé ou dans un fauteuil à lire, regarder un film, jouer à des jeux sur ma tablette, à parcourir les réseaux sociaux, bref à passer le temps le plus agréablement possible en dépensant le moins d'énergie puisque je n'en ai pas ou si peu.

La répétition de mes épreuves a aussi un effet d'usure et d'habitude sur mon entourage à mon désavantage. L'anormal devient la norme, les réactions sont érodées. La surprise et l'inconnu de la première fois ne fonctionnent plus, moins de crainte de me perdre et donc moins d'énergie et de temps consacrés à me soutenir. Pourtant ces épreuves sont toujours aussi éprouvantes à vivre, je pense même qu'elles sont plus rudes, je sais à quoi m'attendre et je sens que mon corps est fatigué de tous ces coups reçus.

Concernant ma convalescence, la première semaine j'ai eu mal au ventre à cause de la morphine injectée pendant l'opération. La seconde semaine j'ai eu un gros rhume qui a dégénéré, mon généraliste m'a mise sous antibiotiques et cortisone, les premiers m'ont bousillé l'estomac, la seconde a suscité de nombreuses insomnies. La sensibilité est revenue à ce moment-là et j'avais mal. J'ai pu mesurer combien la douleur avait un effet néfaste sur le moral. Le mien était au fin fond de mes chaussettes.
La troisième semaine, la fatigue m'a assommée et ne m'a pas quittée. J'ai mis une journée entière avec un peu de fièvre pour me remettre de 20mn de marche et deux jours pour avoir fait les courses au monop de mon quartier avec livraison à domicile.
En parallèle, des croûtes noires sont tombées autour du mamelon reconstruit et ça suintait, c'était moche, le résultat semblait si loin encore. Conduire m'était impossible, je ressentais tous les cahots de la route, ça tirait sur mes cicatrices et passer les vitesses m'était douloureux.
La quatrième semaine, je suis partie en vacances à la montagne et la forme, toute relative, est peu à peu revenue.

J'ai enfin repris le travail ainsi qu'une petite perfusion d'herceptine, mon quotidien, ma course d'endurance, l'obstacle est franchi jusqu'au prochain qui se présentera. Je suis revenue dans la même dimension temporelle que mes proches. Le cancer se fait moins présent, je me reconnecte à la vraie vie, à son rythme trépidant, à mes proches. L'écart qui s'était creusé entre ma vie et les leurs, mes difficultés face à la maladie et les leurs, se comble en partie, pas totalement car ma course d'endurance continue et elle ne peut être que solitaire. Mon expérience a banni la tranquillité de ma vie et l'a remplacée par la vigilance. Les décès d'Hélène et de Manuela ne peuvent qu'illustrer cruellement que le cancer est fourbe et qu'il ne faut jamais le sous-estimer. Elles me manquent, cette injustice me bouleverse.

Le mois prochain, ça fera 11 ans que le cancer s'est invité dans mon corps, 6 passages au bloc depuis. Si c'était à refaire, je le referais sans hésitation malgré ce que j'ai enduré. J'ai retrouvé avec joie un vrai faux sein. Je refais attention à moi, je suis repartie faire les boutiques. Je peux porter des vêtements que j'avais remisés depuis 2015 dans mes placards pour cause d'incompatibilité avec ce sein mutilé. Je me sens mieux. Le printemps arrive et me transmet un peu de sa vitalité. Je revois le chirurgien le jour de mon anniversaire, en mai. Il planifiera la prochaine opération, certainement en juin. Il rééquilibrera les volumes entre les deux seins en prélevant de la graisse, il procédera aussi à l'ajustement de la longueur du téton reconstruit et au tatouage de l'aréole. On devrait en avoir terminé avec cette reconstruction. Il restera la cicatrice façon Frankestein de mon dos à reprendre.

Et pour conclure une petite citation de Bob Marley :

"Tu ne sais jamais à quel point tu es fort jusqu'au jour où être fort reste la seule option".


31 janvier 2017

Adieu à une lionne : Hélène la Crabahuteuse alias Pernelle des Impatientes

Endormie depuis ce matin, toute souffrance t'est lointaine, légère comme une plume, déconnectée de ce cancer que tu as tant combattu.

J'espère que tu rêves et que ces images sont aussi belles que celles que tu laisses en nous.

Je t'aime Hélène et tu me manques, c'était tellement mieux avec toi.

Adieu à une lionne.

Des bises par milliers.

 

hélène

Ton livre

 

Je mets des liens vers trois articles de ton blog que je viens de reparcourir en diagonale :

Neuf milliards de continents ?

extrait :

"Faut-il que tu sois passé par les mêmes maux que moi, que je les laisse affleurer ici, que tu les lises, pour que nous nous comprenions ? Faut-il que tu aies souffert intensément pour que ma peine te semble soudain être comme l’écholalie de tes chagrins ? Si je suis un renard et toi un petit prince, pouvons-nous voir la rose avec le même ravissement ? Faut-il juste éprouver le besoin de comprendre ce qui a le pouvoir d’émouvoir nos "semblables" pour que nous les rejoignions quelques secondes, quelques heures, quelques années, vraiment ?"

Le(s) paradoxe(s) du crabahuteur

extrait :

"il y a une chose, une seule, que malgré tout l’amour du monde, vous n’arriverez pas à éradiquer, à déraciner de nos cœurs, de nos p’tites caboches de crabahuteuses, de crabahuteurs. Ne le prenez pas mal, ne le ressentez pas comme du défaitisme, du pessimisme, du fatalisme, comme de la défiance devant vos discours rassurants, protecteurs, devant vos espérances.

Cette chose…

c’est La PEUR.

Ce sont nos peurs.

Peur des traitements lourds.
Peur des mutilations, des balafres indélébiles.
Peur de ne pas pouvoir ré-apprivoiser notre nouveau-moi.
Peur que vous ne l’aimiez plus.
Peur de la souffrance physique.
Peur de la souffrance morale.
Peur de vous user à la corde.
Peur de voir vos yeux, un jour, nous regarder partir.
Peur de vous faire souffrir.
Peur de plomber l’insouciance de nos enfants.
Peur de ne pas les voir grandir.
Peur du monde médical, qui, parfois, nous maltraite autant
Peur de savoir que nous ne quitterons jamais le fauteuil de Denys, que le crin de cheval est fragile et que le glaive est lourd.
Peur que vous oubliiez qu’un bonbon d’hormonothérapie, ce n’est pas un cachou.
Peur que vous ne l’oubliiez pas.
Peur de ces contrôles, de ces rendez-vous incontournables, qui vont désormais ponctuer nos existences et ce JUSQU’A LA FIN DE NOS JOURS."

et pour ton humour en toutes circonstances, surtout quand c'est insupportable à vivre :

Mes p’tites perles

extraits :

Dans une salle d’attente, dans le service chimio. Une infirmière, à une patiente qui lui disait qu’elle aurait quand même bien aimé qu’on lui donne le planning de ses rayons un p’tit peu à l’avance, pour pouvoir organiser les vacances de sa famille :

— Mais Madame, je vous rappelle que vous êtes en arrêt maladie, pas en congés payés !

Voyant ma voisine rougir de honte et baisser les yeux, je ne résiste pas :

— Merci Madame de lui rappeler, de nous le rappeler à toutes. Il y a une telle ambiance club Med ici qu’on aurait parfois tendance à l’oublier. Et puis, il ne manquerait plus que les malades partent en vacances maintenant. Z’ont déjà bien d’la chance qu’on les paye à rien foutre… Non mais… Sourires dans la salle. Le teint coquelicot change de camp. Jouissance amère.


De toute façon, je dois me balader avec une aura de cocue, parce que j’ai vraiment trop d’booooooooool :

  • d’avoir encore plus de vacances que mes collègues (fortiche hein? c’est pas donné à tout l’monde de battre les profs sur ce terrain)

 


Je m'en irai dormir dans le paradis blanc
Où les nuits sont si longues qu'on en oublie le temps
Tout seul avec le vent
Comme dans mes rêves d'enfant
Je m'en irai courir dans le paradis blanc
Loin des regards de haine
Et des combats de sang

Michel Berger - Le Paradis Blanc

 

 et des messages de toutes tes soeurs d'arme sur les Impatientes qui ont le coeur bien lourd ce soir.


 

13 janvier 2017

Au bloc : quand on aime, on ne compte pas

Dans une semaine, je retourne au bloc. Je vais enfin avoir droit à la seconde étape de ma reconstruction mais dans un autre hôpital.

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Que je vous raconte un peu mes tribulations depuis mon précédent billet. Suite à sa publication par une journaliste, avec mon accord, sur le site de Contrepoints https://goo.gl/okziZx J'ai reçu des messages de soutien et trois offres sortant de l'ordinaire :

  • Un courtier en assurance voulait m'offrir gratuitement le fruit de son travail en me trouvant une assurance à l'étranger me permettant de faire baisser ce reste à ma charge.

  • Un généreux donateur voulait régler la facture de ce reste à ma charge.

  • Un directeur d'hôpitaux parisiens m'offrait l'accès à l'un de ses établissements en me garantissant aucun restant à ma charge côté hospitalisation et obtenant de son équipe médicale qu'un chirurgien accepte de m'opérer sans dépassement d'honoraires.

Après un passage "moral dans les chaussettes" suite à ce renoncement, je suis repartie euphorique et j'ai décidé de saisir la troisième offre, me faire opérer à Paris sans rien à ma charge en bénéficiant de l'expertise de très bons médecins. Hélas, malgré l'excellente réputation de cet établissement, le praticien rencontré m'a proposé une reconstruction avec prothèse en précisant que c'était à Lyon que se trouvaient les experts de la reconstruction avec du lipomodelage (ma propre graisse). J'ai refusé la mise en place d'une prothèse. Je voulais qu'on termine le projet initial de reconstruction déjà entamé.
Je suis rentrée à Lyon, dépitée. Retour à la case départ.

En suivant les réactions au partage de mon article sur les effets pervers du CAS sur les patients, je suis tombée sur une information que j'ignorais et qui pouvait régler mon problème de restant à charge :
Lorsqu'on est en ALD, toute intervention chirurgicale liée à cette ALD, en hôpital public, ne donne lieu à aucun dépassement d'honoraires.
Dommage que la sécu n'ait jamais eu l'idée de m'en informer au lieu de me proposer d'aller me faire opérer à 250km de mon domicile en ne prenant en charge que 100km de déplacement.

J'étais bien en ALD mais j'étais suivie en hôpital privé. Il fallait que je m'adresse à un hôpital public si je ne voulais pas attendre un RDV avec le chirurgien du centre anti-cancer.

Pour information, il y a trois cas, où un patient ne peut pas se retrouver avec des frais chirurgicaux à sa charge quelle que soit sa mutuelle, quelle que soit l'adhésion (ou pas) du chirurgien au CAS :

  • en ALD, en hôpital public pour une intervention liée à cette ALD.
  • en étant opéré suite à une admission depuis les urgences, que ce soit en établissement privé ou public, sans retour à son domicile avec prise de RDV depuis chez soi mais en restant bien dans le circuit des urgences. On arrive aux urgences, on nous garde, on nous transfère dans un service et on est opéré dans la foulée sans retour chez soi.
  • si on est en CMU.

    Et uniquement dans le cas du cancer, en étant opéré dans un centre anti-cancer.

J'ai décidé de feuilleter les annuaires des hôpitaux publics de Lyon à la recherche d'un nom connu. Et là, j'ai eu une surprise de taille ! Mon chirurgien, celui qui avait fait la première partie de la reconstruction par petit lambeau de grand dorsal en hôpital privé, figurait dans l'annuaire d'un de ces hôpitaux publics lyonnais. Je n'en revenais pas. J'ai pu prendre conscience du fossé qui existe entre un médecin et un patient. Je remuais ciel et terre pour trouver une solution à cette situation générée par le CAS et en fait la solution était juste là, à portée de mains. Mon chirurgien n'en avait strictement rien à faire. Ce qui lui importe, c'est le travail bien fait. Il n'est pas assistante sociale, il n'a pas de problème d'empathie, il opère et on paye. Sinon passez votre chemin. J'ai pris mon téléphone, obtenu un RDV dès le mois suivant, il ne reçoit qu'une journée par mois, c'est dire qu'il ne fait pas de pub sur sa présence dans cet hôpital...
Je suis allée le rencontrer avec mon mari. Il a été estomaqué de nous voir et m'a déclaré qu'ici, c'était pour les gens qui n'avaient pas d'argent, les CMU et que de toute façon il avait des délais d'attente de 4 ans...

Incrédule devant une telle réaction.
Comme quoi quand on est patient, on est tellement dépendant des médecins qu'on les place un peu trop sur un piédestal. Là au moins, il a poursuivi la chute entreprise dans mon estime depuis la découverte de son nom dans l'annuaire. Il s'est retrouvé face à face avec moi, mon corps atrophié, ma féminité mise à mal et cette difficulté à me réapproprier mon corps que je n'arrivais pas à surmonter. Il s'est ressaisi, est retourné sur le plan technique où il excelle et m'a dit qu'il allait me mettre prioritaire. Il m'a demandé de revenir en novembre et qu'il me donnerait un RDV à ce moment-là.

Je suis repartie écoeurée avec l'idée que je ne rappellerai jamais. Et puis le temps a fait son oeuvre, j'ai réussi à accepter en partie ce corps, en partie seulement ! J'ai énormément de mal à vivre au quotidien avec cette atteinte à ma féminité. J'ai dû me racheter des sous-vêtements, des maillots de bain qui cache tout, l'horrible cicatrice hyper large du dos comprise. En essayant mes anciens maillots de bain, j'ai réalisé le deuil de mon corps qu'il allait encore falloir faire. Aucun haut ne couvrait assez le dos. Aucun ne serait mettable. Je ne peux plus porter des décolletés en V, je les ai remplacés par des cols ronds. J'ai abandonné les vêtements près du corps, je préfère des hauts plus larges. Ma prothèse externe est posée sur un sein de tout petit volume, pas sur du plat, donc elle glisse tout doucement et finalement mes seins se retrouvent régulièrement désaxés. Avec un haut près du corps, ça se voit. Avec un haut évasé, ça ne se voit pas vraiment.
Si je reçois des copines de mes filles à dormir, je mets ma prothèse sous mon pyjama dès que je sors de mon lit pour qu'elles ne voient pas cette dissymétrie hors norme. J'ai renoncé à beaucoup de mes vêtements. J'ai envie de cacher mon corps. Je ne l'aime pas et j'aime encore moins le cancer qui est responsable de ce chantier.

En mai 2016, j'ai fait mes bilans mammaires. J'étais tout sourire, persuadée de ne pas avoir à subir une énième biopsie puisque je n'avais plus ce sein cancéreux. Le radiologue m'a ramenée à la réalité du cancer. Dans mon sein normal, il a vu un petit nodule qui était passé de 6mm à 8mm. J'ai eu une biopsie dans ce sein. Il n'était pas inquiet.
Je venais encore une fois d'être ramenée à ma condition de cancéreuse jamais guérie, jamais sortie d'affaire. C'est lourd parfois à porter, surtout des jours comme celui-ci.
C'était la première fois que je faisais un bilan avec ce sein en moins. Mon radiologue était étonné que mon chirurgien ait dû faire face à une nécrose, ça ne lui arrive jamais. A moi, ça m'arrive. D'ailleurs c'est pour cette raison que je ne voulais pas de prothèse dans mon sein, lorsque le chirurgien a évoqué les risques de rejet, de coque, je me suis tout de suite sentie concernée et je refusais de courir ce risque et de mette en l'air définitivement ce sein.
Finalement les résultats de l'analyse de la biopsie n'ont rien trouvé d'anormal.

De toute façon avec cette récidive, j'ai pris encore un peu plus conscience que je ne sortirai jamais du cancer, que les passages au bloc se succéderaient tout au long de ma vie, qu'un de ces jours, on m'enlèverait l'autre sein. Que c'était le prix à payer pour ma vie.

Pendant l'été 2016, je suis partie faire un beau voyage dans les Cyclades, en Grèce, on a visité 4 îles en trois semaines. J'ai pu profiter comme jamais de la mer, de la chaleur, de la beauté des lieux. Il suffisait de me souvenir de mon été précédent avec mes pansements et mes mèches à enfoncer tous les jours dans la plaie de mon sein, la galère des toilettes quotidiennes, l'interdiction de me baigner... Je préfère travailler malgré le cancer et les traitements pour me payer de tels voyages avec mon mari et mes filles plutôt que de financer les conséquences du cancer. C'est mon choix.

Début septembre 2016, est venu le jour où il fallait sauter sur son téléphone pour prendre RDV pour 2017, au centre anti-cancer, avec le chirurgien inventeur de cette méthode de reconstruction. Les rendez-vous pour une année partent en une journée. Seule option qu'il me restait puisque ma mutuelle ne paierait plus les dépassements en privé depuis le CAS. A cause d'une alarme mal programmée, j'étais au travail, je n'ai appelé qu'à 10h, j'ai eu un RDV mi-juin 2017. Sachant que le délai pour être opérée après le RDV est de 8-10 mois. De toute façon, je m'étais résignée à patienter.

Finalement, en octobre, j'ai pris un RDV avec mon chirurgien, celui que je ne voulais plus voir, en hôpital public, j'avais finalement décidé de profiter de sa technicité et je trouvais que c'était pas mal que ça soit lui qui finisse le chantier commencé sur ce sein. Je l'ai vu en novembre, il m'a proposé de m'opérer en décembre 2016, un mois après notre RDV. C'était difficile pour moi de passer les fêtes immobiles, je devais gérer mes filles. Il m'a proposé une autre date alternative, janvier 2017. J'ai accepté. Je suis ressortie sans devis à transmettre à ma mutuelle. Je suis retournée dans l'hôpital faire ma pré-admission, rencontrer un anesthésiste, toujours aucun devis. J'ai demandé une chambre individuelle, ma mutuelle prend encore cet avantage à sa charge.

Je pourrais craindre qu'il me fasse une opération au rabais puisque nous sommes dans un lieu qu'il estime de seconde zone. J'espère qu'il est assez pro dans son boulot, pour qu'une fois le nez sur mes seins misérables, il fasse correctement son travail et me permette de retrouver deux seins de même volume alignés. Histoire que j'arrive à retrouver un aspect féminin, important pour mon bien-être.

L'opération va durer 2h30, on va me mettre un petit coup de morphine. il va gonfler le sein reconstruit avec ma graisse, transformer la peau du dos greffée au milieu de ce sein en un mamelon, prélever de la peau de l'autre sein pour faire une aréole. Diminuer l'autre sein en volume, déplacer le mamelon et l'aréole pour les centrer sur ce nouveau volume. Aspirer le bourrelet sous mon aisselle, là où il avait fait glisser le lambeau lors de la précédente intervention.

Il restera un second temps de lipomodelage pour peaufiner les volumes entre les deux seins, tatouer l'aréole. Et lorsque la peau du dos sera plus souple, reprendre la cicatrice du dos, réinjecter de la graisse pour rééquilibrer le volume entre les deux parties de mon dos. Je pense que ça sera fait par le centre anti-cancer, pas par lui. Il n'en parle plus. Je le soupçonne de vouloir se débarrasser le plus vite possible de moi. Il m'a demandé de ne pas ébruiter cette opération dans cet hôpital. C'est une faveur qu'il me fait.

Je suis partie pour quelques semaines d'arrêt.
Et j'ai oublié une autre nouvelle, la maison du département a refusé de renouveler mes cartes handicapé. Je suis reconnue comme travailleur handicapé mais je n'ai pas de priorité pour les files d'attente, le stationnement. Je suis trop bien portante.
Je vais tenter de refaire un dossier à ma sortie d'hôpital.

J'ai aussi compris que tous ces services gérant la misère humaine comme la sécu, la maison du département, n'étaient pas là pour aider mais pour contrôler et limiter les dépassements. Tout cas est suspect et cherche à outrepasser ses droits. Comme la pharmacie qui rechigne parfois à me délivrer 2 bétadines pour 1 mois, mes traitements étant toutes les trois semaines, des fois que je voudrais économiser sur mon gel douche et me laver à la bétadine...
Il reste les recours mais j'avoue que là je commence à fatiguer avec les paperasses pour prouver ce à quoi j'ai droit.

J'aimerais tant trouver un peu plus d'humanité dans ces services, à la pharmacie, chez les médecins. Je me sentirai un peu moins seule dans mon combat pour rester digne.

En parlant de combat, toutes mes pensées vont à deux femmes exceptionnelles, toutes deux ont des métastases cérébrales après une lutte de plusieurs années contre leur cancer. Je vous aime Hélène et Manuela.

31 mars 2016

CASsée

Je devais me faire opérer, hier, mercredi 30 mars 2016, pour poursuivre la reconstruction de mon sein mais à cause du C.A.S. (se prononce CASSE), j'ai tout annulé.

L'assurance maladie m'a ôté la possibilité de CHOISIR. Adieu le rapport de confiance établi entre le chirurgien et moi, adieu le travail en cours sur ce sein qu'on tentait de faire ressembler à quelque chose. Jamais on ne m'a davantage renvoyée à mon statut de cancéreuse, pieds et poings liés pour me faire soigner sans que jai mon mot à dire ou si peu.
En m'otant cette liberté de choisir un médecin en qui j'ai confiance, avec qui j'avais un projet de reconstruction pour que la mutilation subie soit un peu moins douloureuse à vivre au quotidien, je perds mes repères qui m'aident à tenir la tête hors de l'eau dans cette cohabitation forcée avec le cancer.
Je suis bouleversée en plus d'être en colère, habitée par un sentiment d'injustice de devoir subir une nouvelle épreuve imposée par la sécu qui n'aurait pas existée l'an dernier.
Hélas pour nous tous, malades ou accidentés, le CAS se transforme en dictateur de notre santé et nous entrave dans notre accès aux soins.

Il y a 10 ans, on me découvrait un cancer du sein généralisé, métastases au foie. J'avais 34 ans, deux petites filles de 4 et 1 ans.
Ma vie est un parcours semé d'obstacles. Je les surmonte un à un pour tenter de mener une vie presque normale.
Je travaille, j'ai mes chimios à vie toutes les trois semaines depuis 10 ans, j'ai mes bilans cardiaques, mammaires, hépatiques qui s'ajoutent à un emploi du temps bien rempli. En 10 ans, je suis allée 5 fois au bloc et j'ai subi 6 biopsies.
J'ai dû me refaire une place au travail après mon retour d'un long arrêt. J'ai dû gérer les angoisses de mes proches en plus des miennes. J'ai aussi tous ces effets secondaires qui me prennent du temps et de l'énergie au quotidien.
Le cancer est un fardeau permanent mais j'aime trop la vie pour renoncer à cette cohabitation dont ma vie dépend.

Après un cancer généralisé, la guérison est à rayer de son vocabulaire, le mieux qu'on puisse espérer est une rémission durable ou au moins une stabilisation de la maladie.
C'est extrêmement angoissant de vivre en sachant que des cellules cancéreuses sont en veille quelque part dans son corps et qu'il pourrait leur prendre l'envie aussi farfelue qu'au départ de revenir semer la pagaille et la désolation.
Ce qui est d'une grande aide pour le cancéreux, c'est son entourage proche ainsi que son entourage médical.
On doit avoir confiance en son médecin, radiologue, oncologue et gynécologue dans mon cas. Ce sont les sentinelles du cancer. Ce sont les gardiens de notre vie.
Les miens m'ont sauvé la vie voici 10 ans. Je leur voue une reconnaissance sans borne.

J'ai eu besoin à deux reprises d'un chirurgien plasticien pour redonner de la normalité à mes seins. A chaque fois j'ai suivi les conseils de mes médecins pour m'orienter vers quelqu'un en qui placer ma confiance.
Je n'avais pas à me soucier s'il était signataire du CAS ou pas. J'avais une bonne mutuelle qui me remboursait 100% des frais réels et dédouanée de cet aspect financier, je pouvais CHOISIR le chirurgien. Je pouvais même en consulter plusieurs et faire mon CHOIX en toute LIBERTÉ. Je me sentais encore maître de ma santé.

L'an dernier, dans le cadre d'une récidive de mon cancer du sein, j'ai dû subir, le 15 juin 2015, une mastectomie (ablation totale du sein) avec reconstruction immédiate par lambeau du grand dorsal.
Il y a eu des complications au niveau cutané, le mieux était de laisser du temps à ma peau pour accuser tous ces chocs et obtenir un meilleur résultat pour les étapes à venir.
Depuis l'année dernière, le sein partiellement reconstruit fait un petit volume A et le normal fait un volume D. Le reconstruit est bien placé, à la hauteur idéale, l'autre, celui qui a vécu tombe. Il n'y a absolument aucune symétrie entre mes deux seins, ni au niveau alignement, ni évidemment en volume. Au milieu du reconstruit, il y a un cercle de peau, prélevé dans mon dos, en vue de faire un mamelon. Je porte une prothèse externe pour pouvoir m'habiller sans attirer l'oeil.
J'attends donc avec impatience la seconde étape. On va me prélever de la graisse dans le ventre, hanches et intérieur des cuisses si besoin pour gonfler le petit sein en chantier. On va remonter l'ancien pour qu'il soit aligné avec l'autre et le diminuer un peu pour que ça soit plus facile d'avoir des seins de même volume. On devait aussi faire le mamelon, prélever de la peau sur l'ancien sein pour faire une aréole sur le nouveau.
C'était notre projet au chirurgien et à moi. Il avait préparé cette étape lors de la première intervention.
J'espérais cette reconstruction, elle était porteuse d'espérance. Ne plus porter une prothèse, retrouver un volume normal, me sentir moins mutilée. Pouvoir retourner nager dans une piscine ou dans la mer, pouvoir m'acheter des maillots de bain, des soutiens-gorge. Me sentir presque normale.
Ce n'est pas que du superflu, c'est une véritable reconstruction, tant au niveau physique que psychologique.

J'ai rencontré mon chirurgien en février en prévision de l'opération de fin mars. Mon mari m'accompagnait. Il a répondu à toutes nos questions, bien expliqué ce qu'il allait faire, montré des photos. On le connaissait, il avait fait du bon boulot l'an dernier. Il allait intervenir dans l'hôpital où je suis suivie pour mon cancer.
Environnement connu, médecins connus, tout ce qui contribue à rassurer des malades fragilisés par la maladie.
Je suis repartie avec le devis de l'intervention et l'insistance de la secrétaire pour le donner sans attendre à ma mutuelle. En effet les conditions de remboursement auraient changé depuis le 1er janvier.
J'étais certaine que ça ne me concernait pas. J'ai eu plusieurs interventions avec des dépassements d'honoraires et ma mutuelle a toujours tout pris en charge. Je n'ai eu que quelques bricoles de ma poche liées à du confort et pas aux actes chirurgicaux.
Le devis envoyé, je suis partie au ski avec mes filles.
Lors d'un aller-retour au milieu de ces vacances, en relevant mon courrier, j'ai découvert le devis de la mutuelle. Je ne serai pas remboursée pour la totalité du devis, même pas la moitié, à peine un tiers. Le reste à ma charge est élevé.
J'ai pensé évidemment qu'il y avait une erreur et j'ai creusé. J'ai fini par découvrir que les mises en garde de la secrétaire étaient fondées.

Depuis le 1er janvier 2016, les contrats des mutuelles ont appliqué la nouvelle législation pour continuer à avoir le label "Contrats Responsables". L'objectif avoué est de limiter les dépassements d'honoraires des praticiens.
Ce changement de législation porte sur les remboursements d'optique et sur la mise en place d'une obligation de différencier les remboursements des dépassements d'honoraires des médecins suivant leur adhésion au CAS (Contrat d'Accès aux Soins) ou pas. Les complémentaires doivent rembourser comme avant les actes réalisés par des adhérant au CAS mais n'ont pas le droit de rembourser plus que 225% si les médecins n'ont pas adhéré au CAS.

Dans le tableau des garanties de ma mutuelle, depuis ce fameux 01/01/2016, concernant l'hospitalisation et les actes chirurgicaux, il y a désormais deux lignes. Sur une ligne il est indiqué les remboursements si le chirurgien a adhéré au CAS, toujours 100% FR (frais réels) mais sur la ligne du dessous, il y a désormais une exception, les remboursements si le chirurgien n'a pas adhéré au CAS et là c'est 225% BR, ce qui signifie 225% de la base de remboursement.

Pour faire simple, le devis remis indiquait un total de 2.050 €, uniquement pour le chirurgien.
Le fameux BR (tarif de la sécu) est de 338€.
Au total, je serais remboursée sécu et mutuelle réunie 225% de 338€ soit 338 x 2.25 = 760.50€
La sécu devrait me rembourser 338€ et la mutuelle 422.50€. Le reste est à ma charge et j'ai plusieurs opérations à subir pour arriver au bout de cette reconstruction, donc plusieurs fois cette somme à débourser.
Et je REFUSE de payer pour ce cancer. Il envahit suffisamment ma vie, il me pénalise bien assez. J'ai une overdose du cancer et je ne vais pas me priver de quoi que ce soit pour effacer cette mutilation imposée par le cancer.

En premier, j'ai tenté de trouver une autre mutuelle ou une surcomplémentaire qui atténuerait cette baisse de remboursement pour pouvoir conserver ce chirurgien, cette date tant attendue, ce projet qui compte beaucoup à mes yeux.
Peine perdue, toutes les mutuelles ont appliqué, depuis le 01/01/2016, les nouvelles normes imposées par la législation pour continuer à proposer des contrats dits responsables parmi lesquelles elles doivent appliquer cette différence de remboursement en fonction des adhésions au CAS.
Impossible d'être remboursée plus que 225% BR par une mutuelle, quelle qu'elle soit.
Les surcomplémentaires coûtent entre 50 et 90€ par mois pour combler les dépassements d'honoraires des chirurgiens non CAS. Mais alors qu'elles ne demandent pas de questionnaire médical lors de l'adhésion, elles ont le droit d'en envoyer un avant chaque demande de prise en charge et c'est leur médecin conseil qui déterminera du bien fondé de cet acte et qui acceptera si la surcomplémentaire le prend en charge ou pas.
Mais toutes ces surcomplémentaires ont une petite ligne dans les exclusions de leurs garanties : la chirurgie esthétique. Certaines plus généreuses prennent tout de même en charge la chirurgie esthétique liée à un accident mais la plupart excluent la chirurgie esthétique dans sa globalité.
J'ai dû abandonner l'idée de me faire mieux rembourser sans changer mon projet de reconstruction.

Il me restait trois options :

  • soit je payais,
  • soit j'appliquais les nouvelles règles de l'assurance maladie en me faisant opérer par un chirurgien ayant adhéré au CAS,
  • soit je passais par le centre anti-cancer pour que tout soit pris en charge mais à une date indéterminée.

Comme il m'était alors impensable de différer cette reconstruction pour pouvoir tourner la page, et comme je refusais d'avoir un tel reste à ma charge, je décidais d'appliquer les nouvelles règles de la sécu et de m'adresser à un chirurgien adhérant au CAS. Au moins mes cotisations non négligeables pour bénéficier du niveau max de ma mutuelle auraient toujours une utilité et elle prendrait en charge 100% FR, autrement dit elle me rembourserait tout comme avant cette mise en place du CAS.

Je suis allée sur le site de recherche de praticien mis en place par la sécu qui permet de pister les adhérant au CAS :
http://annuairesante.ameli.fr/

J'ai sélectionné comme critères :

  • Professionnel de santé
  • aucun nom
  • en passant par la liste des professions, Chirurgien plasticien
  • en passant par la liste des actes, le 1er choix sous la lettre C : Chirurgie (ablation et reconstruction) du sein - hors esthétique
  • Le plus important, le type d'honoraires : Honoraires avec dépassements maîtrisés (contrat d'accès aux soins) - le fameux CAS, le seul et l'unique bien remboursé.

Au départ, très optimiste, j'ai indiqué comme lieu, Lyon, n'ayant aucune réponse trouvée, j'ai élargi au département, le Rhône, n'ayant toujours aucune réponse, j'ai appelé la sécu passablement énervée.
Et là, surprise, on m'a indiqué que le plus proche de Lyon était à Montluçon, à 260km de Lyon, dans un département qui n'est même pas limitrophe avec le mien.
J'ai donc relancé ma recherche sur leur site en ligne sans spécifier de lieu, j'ai ainsi pu obtenir 8 réponses. HUIT chirurgiens plasticiens ont adhéré au CAS, dans toute la France. Seules les interventions pratiquées par l'un de ces 8 seront remboursées comme avant par les mutuelles.

En regardant un peu plus en détail et n'ayant jamais mis les pieds à Montluçon, j'ai opté pour celui du 06, le second plus proche de Lyon, 4H30 de route pour y aller.
La sécu m'avait spécifié qu'elle prendrait en charge mes trajets mais peut-être qu'elle se limiterait à un trajet Lyon-Montluçon puisque c'était là que se trouvait le plus proche.

Il n'y a plus de notion d'expertise du chirurgien, des techniques qu'il maîtrise, de sa reconnaissance par notre environnement médical, aucune notion dont a besoin un patient pour se sentir en confiance, en sécurité et qui l'aide à affronter ces passages au bloc. Comme critères de choix du praticien, il ne reste plus qu'une histoire de gros sous et de distance entre notre domicile et le chirurgien. Incroyable mais vrai ! C'est ce que la sécu appelle une avancée pour les patients dans la maîtrise des dépassements d'honoraires.

D'autant plus aberrant, que ces chirurgiens adhérant au CAS auront le droit de me présenter les même devis que celui de Lyon. Ils ont pour seule obligation de pratiquer un peu plus d'actes au tarif sécu, pour les patients bénéficiant de la CMU notamment. En échange, la sécu leur prend en charge une partie de leurs charges sociales et ils peuvent continuer leurs dépassements d'honoraire.

Moi, personnellement, je n'en tire aucun bénéfice.

  • Ma mutuelle n'a pas diminué ses cotisations alors qu'elle me rembourse moins bien.
  • Je ne peux plus choisir un praticien.
  • Je suis obligée de perdre du temps et de l'énergie pour appliquer ces nouvelles règles extrêmement contraignantes mises en place par la sécu.


Comme aucun chirurgien ne se trouvait à moins de 150 km de Lyon, pour que les trajets soient pris en charge, j'ai dû aller chez mon généraliste pour faire une demande d'accord préalable pour la prise en charge de trajets supérieurs à 150km. Je suis ressortie avec le beau papier complété précisant le motif de cet éloignement : dénicher un CAS. Je l'ai adressé au médecin conseil de la sécu. Sans réponse de leur part sous 15 jours, c'est que c'est accepté.
Ils ont dû recevoir des consignes pour limiter les dépenses liées à ces jeux de piste des CAS et à peine une semaine après mon envoi, j'ai reçu leur accord avec leurs conditions. On ne me remboursera que 150 km, pas plus.
Inutile d'appeler, on tombe sur une téléconseillère, pas le médecin conseil injoignable et impossible d'avoir une justification. Qu'on limite les remboursements au lieu le plus proche, il y aurait une logique, mais 150 km, je n'en trouve aucune, si ce n'est économique.
A priori tous les patients obligés de s'éloigner de plus de 150 km de leur domicile pour aller consulter un spécialiste adhérant au CAS ont reçu cette limitation à 150 km dans le remboursement de leur trajet.
Pour une hospitalisation, j'espérais un retour en VSL, la sécu ne me remboursera que mes trajets limités à 150 km, un aller pour l'entrée à l'hôpital et un retour pour la sortie de l'hôpital, que le taxi fasse lui deux allers-retours n'entre pas en ligne de compte car évidemment le chauffeur ne va pas rester à côté de l'hôpital pendant la durée de mon séjour, il va rentrer sur Lyon et revenir me chercher à ma sortie.

Autre problème, l'anesthésiste. On ne choisit jamais l'anesthésiste qui intervient ce jour-là. Quasiment aucun anesthésiste n'a adhéré au CAS. J'aurais le chirurgien pris en charge, les trajets très mal remboursés mais je peux m'en accommoder et je devrais aussi débourser pour les dépassements d'honoraires de l'anesthésiste.
Et la sécu ne me remboursera pas les trajets pour la consultation pré-opératoire s'il n'est pas CAS.
Je dois aller voir un chirurgien CAS, la sécu fait tout pour que je n'ai pas d'autres choix, mais elle ne gère pas le problème dans son ensemble.

Et à chaque visite prévue chez le chirurgien, il faudra retourner voir le généraliste pour la demande d'accord préalable pour mes trajets et attendre le retour de la sécu. Or lorsqu'on sort d'une opération, on retourne régulièrement visiter le chirurgien et en général moins de deux semaines après l'intervention, moins de temps que le délai d'attente de la réponse.

Faire à chaque fois 9H de route a fini par devenir un obstacle psychologique. J'ai déjà des pics de fatigue récurrents, mais s'il faut en plus batailler avec la sécu, courir chez le médecin, faire les trajets, je vais finir par faire un burn out.
J'ai laissé tomber.
Trop de motifs de découragements, trop d'obstacles pour me faire soigner, trop d'énergie à dépenser que je n'ai pas. Aucune envie que ma famille subisse les conséquences en temps, en argent, en absence, en énergie, en fatigue et forcément en irritabilité de ma part pour retrouver des seins avec un volume normal.

Une femme m'a alors recommandé sa chirurgienne, ne pratiquant pas de dépassements d'honoraire, à Saint-Etienne, à 1H de Lyon et faisant du bon boulot. Je l'ai appelée. Elle n'a pas voulu me prendre et m'a intimé de retourner voir mon chirurgien.

J'ai tenté une dernière option pour que ce projet ne tombe pas à l'eau. J'ai fini par appeler mon chirurgien pour lui demander s'il acceptait de revoir son devis à la baisse comme le restant à ma charge était plus élevé que prévu. Il m'a accordé 10% de rabais. A peu près la somme que je devrais donner à l'anesthésiste lyonnais qui lui non plus n'adhère pas au CAS.

Je ne paierai pas, je ne ferai pas 9H de route pour chaque visite au chirurgien que je ne connais même pas, je ne suis même pas certaine que je serais satisfaite du résultat. Je me suis résignée à adopter la dernière option qui me restait si je voulais un jour arrêter de porter des prothèses externes : me faire opérer au centre anti-cancer de Lyon où tout est pris en charge et où le chirurgien, qui m'a opérée à deux reprises en 2010, intervient aussi. Il est excellent, je le connais, et je suis certaine que le résultat sera à la hauteur de mes espérances.
Plus aucun rendez-vous disponible pour 2016. Ceux pour 2017 se prennent en octobre mais la secrétaire m'a conseillée d'appeler en septembre. J'aurai ainsi un RDV en 2017 et 8 à 10 mois après, la fameuse intervention tant attendue.

Je devais me faire opérer hier, je serais opérée dans 2 ans si j'arrive à obtenir mon fameux sésame à la rentrée.

J'en ai gros sur le coeur. Cette épreuve imposée par la sécu m'a mise à plat. Elle m'a forcée à me résigner, à accepter, par un rapport de force, l'option la plus économique pour elle, au détriment de ma santé, de mon bien-être, de mon libre-choix d'avant 2016.

La sécu rembourse encore ma chimio, mon herceptine; grâce à laquelle je devrais tenir ces deux années d'attente pour arriver à cette opération. Deux ans à me regarder tous les jours dans la glace, à m'habiller avec cette prothèse et à attendre qu'on répare les dégâts causés par la maladie, qu'on me rende une poitrine qui me permette de me sentir mieux dans ma peau pour pouvoir tourner la page et me sentir un peu moins en décalage avec les gens en bonne santé, ceux sans cancer.

brice

 

18 décembre 2015

Héritage

Noël approche et malheureusement décembre n'est pas synonyme que de bonheur et joie. Le cancer aime bien faire les invités surprises. C'est un rôle qu'il endosse à merveille pour notre plus grand malheur.

Mon père décédait d'un cancer au cerveau voici 15 ans, un 19 décembre. L'an dernier ma soeur apprenait qu'elle avait un cancer du sein, toujours en décembre, juste avant les fêtes.
Cette année a été marquée par les traitements de ma soeur, chimio et rayons, mais aussi par ma récidive du cancer du sein avec une opération très lourde de mastectomie/reconstruction immédiate par lambeau du grand dorsal.
On espérait qu'avec 2016, le cancer serait un peu moins présent dans nos vies même si deux autres opérations m'attendent pour tenter de retrouver un aspect physique plus agréable à supporter. De toute façon, j'ai fait le deuil depuis longtemps d'une vie sans cancer mais je nourrissais l'espoir d'une année stable, sans nouvelle annonce coup de poing.

Ma cousine germaine a 32 ans, une petite fille d'un an et demi et est enceinte de son deuxième enfant; elle en est à quatre mois de grossesse. Mais elle a aussi une boule dure dans le sein. Elle a eu droit à une biopsie hier. Elle aura les résultats juste après Noël.
Pour une fois on change de côté dans mon arbre généalogique. Sa mère est la soeur de ma mère. D'ailleurs sa mère, tout comme notre grand-mère maternelle commune à toutes les deux ont eu un cancer du sein. Ma grand-mère avait plus de 80 ans lors du diagnostic; sa mère, ma tante, était à la retraite et son cancer a été pris tôt, elle n'a eu que des rayons comme traitement.

Je crie peut-être au loup trop tôt. Je le souhaite de tout mon coeur. Mais avec notre histoire familiale, cernée de toute part par ce fléau qu'est le cancer, comment pourrais-je ne pas craindre le pire ?
J'ai déjà pris conscience avec ma récidive et le cancer de ma soeur que le cancer faisait partie de notre héritage et que malheureusement, on ne pourrait pas faire sans. Je vais mettre en temps et en heure mes deux filles entre les mains de très bons médecins pour surveiller tout signe suspect du cancer. Je ne pourrai jamais accepter que mes filles se retrouvent un jour confrontées à toutes ces angoisses, ces traitements éprouvants mais je sais qu'elles vivront elles aussi leur lot de galères cancéreuses. Elles ont commencé dès leur plus tendre enfance avec un grand-père inconnu décédé et une mère avec des traitements à vie. Leur vie ne peut pas être épargnée par le cancer. Il fait partie de notre histoire bien malgré nous.

Du côté de mon chantier en cours, je vais bien physiquement mais psychologiquement ce n'est pas encore ça.
Le trou de mon sein a fini par se refermer début septembre. Le chirurgien m'a autorisée les derniers jours de la cicatrisation à me doucher entièrement avec un petit pansement et à le changer toute seule. J'ai aussi eu droit à un soutien-gorge avec une prothèse externe. Je suis retournée travailler le jeudi 3 septembre. Je peux m'habiller sans qu'on remarque une différence de volume entre mes seins. On ne voit rien.
J'ai retrouvé une mobilité normale dans mon bras gauche. Je peux faire les mêmes mouvements qu'avant. Par contre ça tire facilement si je porte des poids trop lourds de ce côté. Je change de main aussitôt.
Je suis toujours horrifiée par la cicatrice de mon dos. Elle n'est pas rectiligne, elle fait une vague et surtout elle est large, genre frankeistein, en plus d'être longue. Je ne sais pas comment je vais faire en maillot. Elle dépassera légèrement à condition de mettre des bandeaux assez large. Je ne pourrai mettre que des maillots couvrant cette partie du dos, c'est vraiment trop moche pour être montré. Les salles de sport avec vestiaire commun ne sont plus pour moi.
Pour ce nouveau vrai faux sein, le problème majeur est le volume. Sans la prothèse externe, je ne peux pas m'habiller sans qu'on voit que ça cloche.
Par contre à part parfois comme des petits picotements, je n'ai aucune douleur. Je peux même dormir à nouveau sur le ventre.
Je sens toujours le dos tiraillé mais je ne peux pas y faire grand chose, ça restera.
J'ai conscience qu'il me manque quelque chose, que j'ai été amputée, c'est ce qui est le plus dur à vivre. Je dois faire le deuil de mon corps d'avant, de mon sein disparu, de ce corps sans ces nouvelles cicatrices.

J'ai demandé au chirurgien d'attendre fin mars pour la seconde opération. Je voulais qu'on me laisse un peu tranquille pour récupérer. Il préférait lui aussi qu'on donne du temps à ma peau pour qu'elle soit en meilleur état.
Il va diminuer mon sein sain et le remonter. Il va prélever de la graisse dans mes hanches et peut-être un peu dans le ventre et la réinjecter dans le vrai faux petit sein reconstruit pour qu'il ait le même volume que l'autre.
Il doit aussi recoller la peau à ma chair sous l'aisselle, là où on a fait glisser le lambeau du dos. La peau s'est bien recollée dans le dos mais pas là, ça fait comme un bourrelet.
La peau du dos qu'il a déjà greffée sur le sein reconstruit, comme un cercle en son centre va servir à faire un mamelon car cette peau est plus épaisse.
Je pourrais ensuite arrêter de porter une prothèse et je devrais me retrouver avec des seins de même volume, enfin à peu près.
J'aurais une troisième opération ultérieurement pour peaufiner le résultat.
On a déjà fixé la date de la numéro deux, le mercredi 30 mars. Comme ça j'aurais les vacances scolaires pendant ma convalescence.  C'est plus reposant pour moi de ne pas gérer en plus le rythme scolaire.
Cette fois mon hospitalisation ne devrait durer que 2-3 jours. Je le revois en février, j'aurais plus de détails à ce moment-là.

Au moins, ce soir je suis en vacances et je file en direction des montagnes pour décompresser un peu et profiter du bon air pur sur les pistes de ski.
Reste plus qu'à espérer que ma cousine n'aura eu qu'une grosse frayeur et que la tumeur sera bénigne mais j'ai tellement de mal à y croire,
reste plus qu'à souhaiter que ma soeur bouleversée va retrouver le moral et arriver à reprendre son travail en mi-temps thérapeutique en janvier,
reste plus qu'à profiter de ces fêtes de famille pour atténuer la douleur de l'anniversaire du décès de mon père,
reste plus qu'à espérer que la prochaine séance de psy aidera ma fille à dégonfler son angoisse de MA mort,
reste plus qu'à prendre mon mal en patience pour accepter ce corps amputé, cette diminution physique,
reste plus qu'à craindre le prochain diagnostic de cancer dans ma famille...
Grande
Je vais avoir du mal à souhaiter bonne année, bonne santé. Je vais tout de même continuer à me raccrocher à tous ces petits riens qui rendent la vie si heureuse et lui donne du sens. Je pense fort à vous, vous tous qui côtoyiez la maladie en cette période de fête et je vous souhaite d'aller mieux si c'est possible, d'être entourés, de recevoir de l'affection, de l'attention. L'amour de nos proches est un bon remède à nos grosses souffrances.

amoureux3

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