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La Gniaque
17 février 2009

Eux trois sans moi

Pour la première fois, mes filles sont avec mon mari sans moi pendant plusieurs jours. Elles sont en vacances depuis une semaine, c'est moi qui avais posé la première semaine pour être avec elle et leur père avait posé cette semaine pour prendre le relais.
Depuis le cancer, ça va bientôt faire trois ans, j'ai tout d'abord été arrêtée pendant 1 an et demi donc j'étais là pour toutes les vacances scolaires, puis j'étais en mi-temps thérapeutique et il me restait tous les congés d'avant le cancer, comme ça m'était tombé dessus en avril, les jours que j'avais gardés pour les vacances de Pâques et les grandes vacances avaient été basculés sur mon solde à mon retour et comme j'étais en mi-temps thérapeutique, en posant seulement 2 jours et demi, j'avais la semaine entière avec mes filles.
Ce n'est que depuis fin octobre 2008, que j'ai repris à 80% comme avant, et forcément je ne peux plus être avec mes filles pendant toutes les vacances scolaires.
Avant le cancer, nous n'avions pas de chalet à la montagne, donc même si leur papa prenait des jours pour les garder, ça se passait chez nous et je rentrais le soir.
Maintenant que nous avons ce petit coin de paradis, hors de question qu'elles restent confiner à Lyon, dans un appartement, je préfère les savoir sur les pistes de ski.
Mais dimanche, c'était la première fois que je les laissais tous les trois ensemble. Même pendant mon hospitalisation pour la tumorectomie, nous étions dans la même ville, ma belle-mère était à la maison pour s'occuper d'eux. Ça ne faisait pas le même effet.
Car en fait à cause de ce cancer, à cause de cette rémission, à cause de ce sursis, hé bien, lui comme moi, nous avons pensé à la même chose, c'était leur première expérience de vie à trois sans Maman, comme ce qui pourrait très bien arrivé un jour si le cancer arrivait à m'envahir.
Le matin de mon départ, mon chéri n'a pas pu s'empêcher de partager ses angoisses avec les filles, il leur a dit, en s'adressant surtout à l'aînée, elle a 7 ans, "Tu sais Maman peut mourir à tout moment"
Je l'ai entendu, je l'ai repris aussitôt, je ne veux pas que mes filles vivent en pensant sans cesse à ce qui nous obsède tous les deux : ma mort.
Ce n'est pas vrai, je ne peux pas mourir à tout moment, en tout cas pas pendant ces 4 jours d'absences.
Ce n'est pas la première fois qu'il utilise les mots au profit de ses angoisses. Quand on m'avait annoncé ma rémission, j'avais du mal à ne plus me sentir dans l'urgence de la survie, il avait dit aux filles "Maman ne sera jamais guérie".
Je l'avais repris aussi, j'en avais parlé avec le psy.
C'est vrai que je ne serais jamais guérie d'un point de vue médical à cause des métastases que j'ai eues mais je suis en bonne santé, je n'ai rien nulle part de décelable. J'ai toujours mes chimios mais c'est pour éviter la récidive, en prévention pas en guérison.
Je comprends ses angoisses, je ne peux pas nier qu'on a peur tous les deux que je meure prématurément, qu'on vit en y pensant, on ne peut pas faire autrement mais tant que je vais bien, je ne veux pas que les filles se mettent à angoisser aussi. Je trouve qu'elles ont eu leur dose avec mon cancer, avec mes traitements.
Il n'y a pas besoin de les préparer, elles ne seront jamais prêtes à perdre leur maman, si ça arrive un jour, elles seront bouleversées quoi qu'il arrive, quoi qu'on ait pu leur dire avant.

En faisant mon voyage retour, j'ai repensé à leurs inquiétudes de me voir partir, de les laisser, elles ne sont pas habituées. Je suis restée très sereine mais au fond de moi je pensais à un jour où je pourrais les laisser pour de bon avec leur père, le coeur serré évidemment. Je suis montée dans mon autocar, le coeur bien lourd, j'ai mis mon ipod sur les oreilles et à croire que c'était fait exprès, je n'avais que des chansons nostalgiques, tristes.
En même temps, le roulement du bus me berçait, cette musique faisait remonter ma peine de les quitter et puis enfin des musiques gaies sont arrivées. Il fallait bien ça pour quitter mes montagnes adorées, mes filles chéries et mon mari en pensant au pire.
Et je me suis mise à penser à autre chose, je me suis sentie plus légère et j'ai retrouvé ma ville. Le contraste entre mes montagnes et Lyon m'a fait oublier le pire que j'imaginais pour mon trio. J'ai pu les appeler et les entendre au téléphone.
Ça fait deux jours maintenant, ils s'en sortent très bien tous les trois, je travaille demain, jeudi j'ai ma chimio et je les rejoins.

Pourquoi le cancer me fait voir des évènement anodins de la vie en noir ? Les autres Mamans n'ont pas à imaginer leurs enfants orphelins avec leur père lorsqu'elles les laissent juste pour quelques jours de congés. Quelle saleté ce cancer, non seulement il peut nous emporter à tout moment mais même quand ça va, on ne peut pas l'oublier, il est là et des évènement anodins sont perçus différemment à cause du filtre cancer qu'on trimballe partout avec nous.

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Commentaires
T
Je ressens ça aussi, mais je n'en parles jamais :-(
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