Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Gniaque
16 janvier 2012

Et toi, comment vas-tu ?

Tous les jours, de nombreuses personnes me demandent comment je vais, simple marque de courtoisie en me manifestant un peu d'intérêt et je fais comme elles, je leur demande comment elles vont tout en faisant la bise de circonstance ou pour d'autres juste une poignée de mains. C'est une étape incontournable du rituel de la rencontre entre connaissances. Je ne focalise pas sur ces petites phrases prononcées par automatisme même si je suis plutôt inquiète par des examens en cours. Je fais comme tout le monde, je suis polie et j'aime manifester moi aussi un peu d'attention aux personnes que je côtoie sans aller raconter ma vie à tous ceux que je croise. Je joue le jeu.

Mes préoccupations, je préfère les confier à ceux qui en savent un peu plus long sur mon parcours médical et qui resteront mesurés dans leurs réactions en connaissance de cause. Je déteste attirer la pitié, le rejet ou la peur en abordant ma maladie : "le cancer". Je ne parle même pas de "métastases", il faudrait presque que je fournisse un kleenex à mon interlocuteur et que je le réconforte...

Parfois, cette question si anodine "Comment vas-tu ?" a un ton particulier et puis elle n'est pas prononcée lors de la rencontre mais au contraire, après plusieurs minutes à parler de la pluie et du beau temps, mon interlocuteur me demande "Et toi, comment vas-tu ?"...

Rien qu'à cette interruption au milieu de notre échange, je devine qu'elle n'a rien d'anodin. Mon interlocuteur veut savoir réellement comment je vais. C'est là que je comprends qu'il sait, il a appris que j'avais eu un cancer.

Aussitôt deux questions me viennent à l'esprit "comment l'a t-il appris ?" et  "comment a t-il l'air de réagir ?".

Je trouve assez facilement la réponse à la première question, par facebook, par ce blog en tombant sur l'une de mes photos, par un "déjà initié" qui a voulu partager son savoir. De toute façon, je ne cherche pas le secret à tout prix mais ça m'intéresse de savoir quelle peut être la source de cette information que je n'avais pas jugée bon de divulguer.

Pour la seconde question, je scrute attentivement les yeux, l'expression du visage pour deviner ce que peut ressentir la personne en face de moi. Simple curiosité, simple besoin de me faire savoir qu'elle sait, compassion, besoin d'en parler pour mettre le cancer sur le tapis et témoigner d'un cas dans sa famille...
Je me méfie énormément des réactions que suscite mon cancer. Je n'ai pas envie de me transformer en confident d'une personne que je connais peu et qui a juste besoin de s'épancher. Je n'ai pas envie de susciter de la curiosité, ni de raconter ma vie à des personnes trop éloignées de mon quotidien, je ne cherche surtout pas à me faire plaindre.

Et puis il y a le contexte...

Ce week-end j'étais au ski, et la petite phrase a surgi au détour d'une conversation. Je n'aime pas que ça se produise alors que justement je suis à mille lieux du cancer, dans un environnement qui me permet d'oublier cette maladie et m'aide à me sentir bien vivante. Qu'une personne soit déjà au courant et m'en parle ne me gêne pas du tout, au contraire. Mais qu'on choisisse l'un de mes sas de décompression pour m'annoncer qu'on a appris pour mon cancer ne me plaît pas du tout. Je n'ai aucune envie de raconter mon parcours, d'expliquer, de rabâcher. Je suis justement en recharge d'énergie, pas en dilapidation. Alors je feinte, je me défile, je réponds que je vais très bien. Si je vois toujours cette lueur d'inquiétude dans le regard du questionneur, j'en rajoute une petite couche, "et puis avec ce temps, avec cette neige..." et j'enchaîne très vite sur autre chose. Ici une autre expérience du même genre

Ce n'est pas évident de comprendre une personne atteinte d'un cancer (lire le texte des impatientes ici qui l'exprime si bien). Parfois on a besoin d'en parler, de décortiquer le sujet sous toutes ses formes, parfois on ne veut surtout pas en entendre parler. Difficile de nous suivre, de deviner notre humeur cancer du moment, de saisir le bon moment, d'aborder le sujet sans nous heurter... Mais quoi qu'il en soit merci à tous d'être là et d'apporter votre soutien. On est tellement mieux lorsqu'on se sent entouré.

temps

Publicité
Commentaires
C
Comme ce que tu écris est VRAI et un vécu partagé <br /> <br /> Je te souhaite une année 2012 sereine pleine de petits bonheurs et de joie Bises AM
Répondre
I
c'est le titre d'un roman d'Olivier Adam (adapté au ciné avec Mélanie Laurent, le film est presque meilleur que le livre qui m'a bien plu déjà) ... qui n'a rien à voir avec le cancer, mais elle est juste cette phrase, comme ce que tu écris.<br /> <br /> <br /> <br /> Pas facile de discerner l'intérêt de la curiosité parfois lourde ... je préfère penser que c'est de l'intérêt;-)), et quand je n'ai pas envie d'en parler, eh bien, je suis évasive et fais comme toi: changement de sujet;-)<br /> <br /> Bonne année aussi à ton blog, Isa et gros bisous suisses.<br /> <br /> PS: Sommes remontés aussi sur nos planches ds le Heidiland le dimanche d'avant ... cooollll
Répondre
F
Ce texte est touchant et il vient chercher des émotions. Plusieurs personnes nous fuient parce que justement ils ne veulent pas nous demander comment on va parce qu'ils ont peur de la réponsee en sachant que nous avons un cancer. Alors que d'autres veulent prendre de nos nouvelles, moi je trouve que ça fait un bien énorme de voir que les gens se préoccupent de ma santé. Il y a des jours où on se sent bien et d'autres moins, alors dans ce cas la je dis que je vais bien pour ne pas approfondir cette petite discussion. Bisous Isa
Répondre
B
Oui: on est tellement mieux lorsqu'on se sent entouré! Mais pas n'importe comment, ni par n'importe qui, ni n'importe quand!<br /> <br /> Je suis aussi souvent pleine de contradictions par rapport au cancer. Je ne veux pas être "celle qui a eu un cancer" et rien que ça, ne pas être réduite à ça. Et je ne supporte pas au moment des voeux qu'on me dise: bonne santé...à toi surtout...ça me hérisse!<br /> <br /> Pourtant je peux parler de mon parcours librement, dans une conversation...Car je veux alors que l'on sache que le cancer peut frapper tout le monde, que l'on peut s'en sortir, je ne veux ni pitié, ni rejet, juste essayer de faire comprendre que je suis comme tout le monde. Même avec mes cicatrices de guerre!
Répondre
A
Avec Bénou nous parlions de tout et de rien surtout pas du cancer sauf quand elle en avait envie et là j'étais là, c'est tout, pour tenter de porter un peu moi aussi la charge de ce fardeau...
Répondre
Publicité
Archives
Publicité