Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Gniaque
24 octobre 2010

Reprendre le travail après le cancer : se refaire une place

J'avais écrit deux articles voici quelques mois sur ma mise au placard :

Cancer = mise au placard

Je change de poste jeudi

J'avais vécu une mise au placard lorsque j'avais repris le boulot, en mi-temps thérapeutique, après un an et demi d'arrêt à cause du cancer.
Un journaliste m'a même contactée à ce sujet, est venu m'interviewer et m'a insérée dans un article sous une autre identité.

Comme souvent le fait d'avoir mis des mots sur ce malaise que je ressentais m'a permis d'y voir plus clair et m'a fait bouger. J'ai vraiment pris conscience que j'avais repris confiance en mes capacités professionnelles, que je ne voulais plus croupir dans un coin, subir les évènements sans essayer d'améliorer la situation.

En fait tout simplement, lorsque j'ai dû m'arrêter à cause du cancer, mon service, mes collègues ont continué sans moi. Je n'ai pas vraiment été mise au placard, on s'est passé de moi, ce n'est pas plus compliqué que ça. Le problème était que moi, j'avais vécu une parenthèse traumatisante et que j'avais besoin de sentir que j'avais toujours ma place dans mon service or justement mon rôle, mon job s'était évaporé pendant mon arrêt d'un an et demi. Mes collègues avaient appris à se passer de moi, s'étaient répartis mes tâches. Lorsque je suis revenue, c'était à moi de me refaire ma place et je ne m'y attendais pas, j'avais d'autres préoccupations. C'est difficile lorsqu'on revient de si loin de reprendre une vie normale. J'avais frôlé la mort, j'avais cru que je n'avais plus d'avenir, je doutais de mes capacités après cette période qui m'avait fragilisée. Je n'étais plus certaine de pouvoir me concentrer comme avant, de pouvoir faire plusieurs choses à la fois, j'avais le sentiment que ma mémoire me faisait souvent défaut (j'avais écrit un article à ce sujet et qu'on ne me dise pas que c'était causée par une dépression). J'avais peur aussi de ne pas tenir le rythme. Ces traitements m'avaient épuisée, je m'en remettais doucement, j'avais pris l'habitude de prendre mon temps, de ne plus courir. Je n'étais vraiment pas sûre de pouvoir ajouter à mon quotidien de convalescente ma casquette de working girl. En même temps, je reprenais confiance en la vie, j'avais besoin de me retrouver autrement qu'à travers le cancer, il fallait que je me redéfinisse, l'ancienne définition de ma vie était obsolète.

J'avais eu le choix entre recommencer à travailler ou me mettre en incapacité totale de travail et mise à la retraite. La grosse différence entre ces deux états était ma perception de mon futur. En mettant un terme à ma vie professionnelle, c'était comme si je m'interdisais tout projet, comme si je n'avais plus d'avenir. Je perdais une grosse partie de ma rémunération, notre pouvoir d'achat aurait pas mal diminué. Nous voulions acheter un petit chalet à la montagne pour s'oxygéner un peu hors de Lyon. Avec cette mise à la retraite, il fallait oublier ce projet. Je n'avais que 36 ans lorsque j'ai eu ce dilemme. Toute la question était de savoir si je pouvais encore m'autoriser à  croire en mon avenir ou si je baissais les bras et me laissait porter par les évènements. J'ai décidé que j'allais tenter. J'aimais mon travail, j'ai bossé pour avoir mon diplôme, pour avoir ce poste. Je ne voulais pas laisser tomber, j'avais réussi à survivre au cancer, autant que ce soit pour continuer à faire ce que j'aimais.

Je me suis ménagée, j'en avais vraiment besoin. J'ai repris à mi-temps thérapeutique pendant un an. Je travaillais trois petites journées de 6H. J'ai peu à peu pu me rendre compte que je n'avais rien perdu, que je pouvais faire mon travail comme avant. Le seul obstacle était que tout ce qui était le plus intéressant dans mon travail d'avant le cancer était monopolisé par un collègue qui n'avait pas du tout l'intention de s'en déposséder. Il s'était investi, il s'était habitué à s'en occuper. Lorsque j'étais partie en congé maternité, tout le service savait que j'allais revenir et que tout ce qui avait été redistribué était temporaire, tous mes collègues en avaient parfaitement conscience. J'avais toujours retrouvé à l'identique mon poste et ses fonctions  Là, ils s'étaient habitués à mon absence, ils avaient tous cru que je ne reviendrais jamais et leur appropriation de mon job avait été différente dans leurs esprits.

Lorsque mon mi-temps thérapeutique s'est terminé et qu'il n'y a eu aucune amélioration de cette situation, je l'ai mal vécu. J'ai eu le sentiment qu'on me tenait à l'écart, que je vivais une mise au placard. Il fallait tout simplement que je refasse ma place au boulot.
J'ai réalisé qu'il ne me restait que trois solutions, soit je continuais à travailler en ne faisant que des tâches secondaires, sans réel intérêt, bien en-dessous de mes capacités. Soit j'entrais en conflit avec mes collègues, prévenais la Halde et récupérais ce qui devait me revenir en me battant agressivement, en me mettant plusieurs personnes à dos puisque j'étais hiérarchiquement plus gradée qu'eux et qu'on ne rigole pas avec ça dans l'administration. Soit je changeais de service au sein de ma division informatique, je repartais à zéro.
J'ai finalement choisi cette dernière solution. Depuis longtemps, je voulais revenir au monde des bases de données. Ça faisait 15 ans que je n'y avais plus touché. Je n'avais pas osé demandé un tel changement auparavant à cause de mes maternités. Tant que j'avais un bébé à la maison, je ne me sentais pas l'énergie nécessaire pour m'investir autant dans un nouveau job.
Je savais que mon directeur ne me trouvait plus fiable, ne comptait plus sur moi mais il partait à la retraite. J'ai décidé que j'allais patienter quelques mois, prendre mon mal en patience et demander à me reconvertir dès son départ.
Et c'est là qu'une chef de service de ma division a envoyé un mail à toute la division informatique pour nous informer qu'un poste de gestionnaire de base de données était vacant puisque ma collègue avait accepté un poste à Paris. Il s'agissait de la plus importante base de données que nous gérons, deux ingénieurs doivent s'en occuper en binôme. C'était exactement le poste dont je rêvais. Je savais que je n'allais pas avoir l'aval de mon directeur, que ma candidature n'aurait pas sa préférence. Par contre j'étais en très bon terme avec la chef de service et le futur directeur de la division. J'y ai réfléchi plusieurs jours , je savais qu'une telle opportunité ne se représenterait pas de sitôt. Je suis allée la voir et j'ai postulé. Elle était très heureuse de ma demande. Elle n'avait eu personne en interne et préférait m'avoir plutôt qu'une personne extérieure. Elle m'a demandé les raisons de ce désir de changement. Je lui ai dit la vérité, je m'ennuyais, je voulais faire quelque chose de plus intéressant. Le seul problème qu'elle a évoqué était mon temps partiel, je travaille à 80% et mon directeur voulait un temps complet. Elle a intercédé intelligemment en ma faveur, le directeur adjoint était rallié à sa cause et à deux ils ont fini par arriver à avoir gain de cause à force de persuasion. J'ai su avant le premier lipomodelage qu'à mon retour je reprenais dans ce nouveau service dans mes nouvelles fonctions. J'étais aux anges. Je ne pouvais rêver de meilleure nouvelle.

Après ce cancer, j'ai le sentiment de recommencer une nouvelle vie. D'avoir changé de fonctions, de travail n'est finalement qu'une suite logique de tous ces bouleversements. Je suis très motivée, j'adore ce que je fais, c'est beaucoup plus intéressant. Mes nouveaux collègues sont super avec moi, il n'y a aucun passif entre nous et c'est ce qu'il me fallait. Je suis à nouveau complètement sereine dans mon job et j'ai pu prouver à tout le monde que j'en étais capable. Je suis très fière de moi, d'avoir su rebondir, d'avoir pris un nouveau départ.

Cette mise en placard n'en était pas une. C'était une vision subie du monde du travail. Lorsqu'on veut changer les choses, ne pas subir, il suffit d'agir, même si on doit prendre quelques risques. Au lieu de se plaindre, il faut se bouger et ne pas attendre que ce soit les autres qui vous amènent ce que vous voulez sur un plateau. Il faut se donner les moyens de ses ambitions, y croire, se faire confiance et se lancer plutôt que de nourrir des regrets et accuser les autres d'être responsable d'une situation qui ne nous convient pas. Nous sommes responsables de notre vie, rien ne sert de se lamenter, il suffit de se faire confiance. La satisfaction de réussir est encore plus intense puisque nous ne la devons qu'à nous-mêmes.

J'espère que vous aussi trouverez votre voie et que le cancer aura au moins cet avantage, celle de mieux vous connaître, de vous pousser à agir plutôt que de subir pour donner un sens à votre vie.

lavieestbelle

Publicité
Commentaires
S
Ma petite contrib'<br /> <br /> <br /> <br /> Cancer colo-rectal à 41 ans... opération, 9 mois de chimio... à priori c'est du passé, je pensais avoir gagné mais le combat n'est pas finit.<br /> <br /> <br /> <br /> Après la lutte contre la maladie, c'est une autre forme de combat qu'il faut mener, car retrouver du travail après un traitement lourd, cela signifie justifier un trou béant sur son CV... <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Fondateur et gérant d'une entreprise au moment ou on m'a dépisté la tumeur, je n'ai eu droit à aucune prise en charge. Aujourd'hui avec 20 ans d'expérience en ingénierie informatique, je reste au chômage et me heurte toujours aux même refus lorsque j'explique ce trou de 2 ans dans mon parcours. <br /> <br /> <br /> <br /> La médecine fait beaucoup de progrès... les mentalités par contre, c'est une toute autre histoire.
Répondre
Publicité
Archives
Publicité